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Fouilles sous-marines du Rhone : quelques nouvelles fraiches

Rappelez-vous : il y-a quelques mois, L'archéologue du DRASSM Luc Long exposait ses découvertes dont un buste de César qui a fait le tour de l'actualité.
Le Journal du Dimanche consacre un nouvel article autour de ces campagnes de fouilles dans le Rhône, au niveau d'Arles-Trinquetailles.

En août 2007, Long et son équipe tombent sur quatre merveilles. "Quatre découvertes de portée mondiale", assure Claude Sintès, le conservateur du musée de l'Arles antique, pourtant plus prompt à la prudence que le bouillant plongeur du Drassm.

Il y a là un buste de César, une statue de Neptune et deux bronzes, une Vénus et un captif à genoux. L'existence des quatre pièces n'a été révélée qu'il y a trois mois. Le temps de les authentifier, de les dater tant bien que mal, et de s'assurer de leur bon état, histoire qu'elles ne s'effondrent pas une fois sorties de la boue où elles stagnaient depuis deux mille ans. Le temps, aussi, de baliser puis de sécuriser la zone - et, pour les gendarmes, d'interpeller les pirates qui, au loin, observaient les plongeurs aux jumelles.

César, Vénus, Neptune et le captif agenouillé dorment aujourd'hui dans les réserves du musée de l'Arles antique, situé au bord du Rhône, juste en face de l'endroit où ils ont été trouvés. Le public ne pourra les admirer qu'en septembre 2009, quand ouvrira une grande exposition sur les découvertes dans le fleuve, qui coupe en deux la ville magnifique.

  • Les découvertes :
D'une hauteur de 75 cm, la Vénus est sublime d'élégance et de légèreté. Le captif, tout aussi magnifique, représente un homme nu, posant le genou gauche à terre. Ses mains sont liées dans le dos. Un scanner passé il y a quinze jours au laboratoire du Commissariat à l'énergie atomique de Cadarache (Bouches-du-Rhône) a révélé la présence, à l'intérieur du visage, d'une masse blanche à la densité bien supérieure à celle du bronze. Peut-être ses deux yeux en argent... Esclave? Prisonnier de guerre? Macyas, le satyre flûtiste qui eut la peau arrachée pour avoir défié Apollon, attendant son châtiment ? Luc Long penche pour la première hypothèse, peut-être la troisième... Claude Sintès ne sait tout simplement pas. Après un bain de près de deux millénaires dans les limons rhodaniens, les deux chefs-d'oeuvre attendent, plongés dans des bacs d'eau douce pour éviter d'être attaqués par l'oxygène, que les spécialistes leur rendent leur beauté originelle. "Ce long travail commencera le mois prochain, explique Gilles Ghiringhelli, restaurateur au musée d'Arles. On n'avancera qu'au rythme de 1 cm² par jour, en usant par exemple des gommages ou en pulvérisant doucement des décoctions de noyaux de fruits." Il faudra faire preuve de délicatesse: s'approchant avec mille précautions, il montre que sous la moisissure point l'or fin, dont Vénus est recouverte.

Le monumental Neptune (1,80 m) et le buste de César, eux, sont en marbre. Cette dernière pièce, d'une beauté envoûtante, est de loin la plus spectaculaire. D'une taille un peu plus grande que la normale, elle est quasiment intacte. La tête est légèrement tournée vers la gauche, les rides du front et du cou comme gravées dans la chair. Les mèches de cheveux parfaitement ciselées, cachant avec peine la calvitie naissante, le dessin de la bouche et du nez, la force du regard évoquent immédiatement César. Or, il n'existe que très peu de bustes incontestés du tyran à travers le monde. L'archéologue a fait venir à Arles deux spécialistes renommés, un Belge et un Danois, qui ont renforcé ses certitudes. Le plongeur a ensuite évoqué une piste hautement séduisante, reprise sans trop de prudence par de très nombreux médias du monde entier, qui a fait la publicité de ses découvertes : le buste serait le seul réalisé du vivant de César. A la différence de la Vénus, dont une indication nous dit qu'elle date de 210 ou 211, la sculpture ne comporte pas la moindre écriture. Mais son style évoque à coup sûr l'époque républicaine, et son réalisme diffère des bustes post mortem, toujours idéalisés.

C'est donc qu'il a été réalisé avant la mort de César. C.Q.F.D. Pour Long, l'affaire est entendue: il est le découvreur d'une pièce sublime, qui plus est, unique au monde. "Et là, Luc a pété les plombs !" s'impatiente une personnalité arlésienne. Craignant que les retombées de la découverte ne lui échappent (un éditeur parisien a déjà reproduit en couverture d'un livre le portrait de son César, voici deux semaines, sans lui demander d'autorisation), le plongeur exige une mainmise totale. Ainsi interdit-il aux plongeurs de son équipe de s'exprimer.

  • Un César ?
Le marbre représente-t-il bien César? "Aucun scientifique ne vous dira oui à 100% répond le conservateur du musée. Quant à dire qu'il a été sculpté de son vivant..."

C'est que le conservateur ne s'avance pas aussi loin que Long. Le buste est-il bien celui de César? "Aucun scientifique ne vous dira oui à 100%, assure Claude Sintès. Disons que je suis très troublé par la ressemblance. La beauté de ce buste est telle qu'il n'a pu être réalisé que par une très grande main, pour une très grande personnalité. Je pense donc qu'il s'agit de lui, mais j'attendrai qu'un colloque international nous en apporte la preuve. Quant à dire qu'il a été sculpté de son vivant... la vérité est que nous n'en savons rien." Pour un scientifique, ce scepticisme est de rigueur, mais pour un découvreur, il n'est guère vendeur. D'autant que les fouilles vont reprendre début Août, dans le périmètre où ont été trouvées les merveilles de l'été 2007. Luc Long n'en démord pas, persuadé d'être assis sur une mine d'or: "Nous n'avons sondé que la partie immergée de l'iceberg, affirme-t-il. Plus nous allons descendre, plus nous allons trouver..." Là encore, Sintès reste sur la réserve.

  • Questions de fond :
Il faudra encore trouver la place que méritent les quatre nouvelles pièces majeures de la collection et redéfinir toute la muséographie. Or, celles exposées aujourd'hui sont déjà à l'étroit et les réserves pleines à craquer. Et si les archéologues découvrent d'autres statues, le mois prochain? Où trouver les fonds pour s'agrandir? De son côté, le plongeur est déjà parti à la recherche d'un mécène privé, prêt à lui allouer plusieurs centaines de milliers d'euros pour financer (à hauteur de 75%, l'Etat payant le reste) la poursuite de ses fouilles. En attendant la vraie quête du Graal, celle d'un Bill Gates fou d'archéologie romaine, prêt à payer la remontée, la restauration (et la construction d'une salle dédiée) d'une autre trouvaille sous-marine récente qui gît au fond du Rhône, juste en face du musée: une épave romaine de 30 m de long, pièce monumentale et unique au monde. Coût estimé de l'opération: 10 millions d'euros, dix fois le budget annuel du musée d'Arles. Le mécène miraculeux sortira-t-il triomphant des eaux? Alea jacta est.


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