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Histoire du développement du Sud-Est français, de 1860 à 1914



En 1860 a lieu le rattachement du comté de Nice à la France :
Cette étape se déroule sous le second empire (Napoléon III). La décision de rattachement est accompagnée d’un plébiscite : on compte 26.000 voies pour et seulement 160 contre.
Cette procédure de plébiscite n’est pas exceptionnelle : régulièrement pour accroître le sentiment de démocratie les décisions impériales sont accompagnées d’un vote de ce type. Il s’agit d’un leure. Il n’y a pas d’expression libre, c’est seulement une manœuvre politique qui légitime une décision.
Pourtant certains niçois s’opposaient fermement à ce rattachement, dont un héro local Garibaldi. Mais l’importance de ce personnage aurait été perçue au-delà du questionnement du rattachement et son influence aurait été à relativiser par rapport à d’autres personnages de la scène politique ou économique.

La population :

Le rattachement de 1860 lance les Alpes-Maritimes vers un dynamisme nouveau et un grand essor démographique : +80% entre 1860 et 1911 ; Entre 1876 et 1891 les A.M. se peuplent de 55.000 nouveaux habitants. La natalité est de 220 pour 1000 courant XIXème siècle.
C’est une période de relative prospérité et de natalité. (cf. IMBERT, A la découverte de la Provence).
L’immigration se développe fortement en même temps que la paix en Europe (fin de la guerre franco-prussiènne de 1870).

Ainsi en 1861 les A.M. sont le département français le plus peuplé en étrangers : on en dénombre 6.000 à Nice.
En 1876 ils sont 22.000 et en 1911 : 125.000
Ces étrangers peuvent êtres :
- Des riches : migrations de luxe (ils ne viennent pas travailler). Ils sont présent surtout l’hiver, ils font de la "villégiature".
- Des italiens : ils représentent 90% des étrangers en 1891, et 76% en 1911.
La domination italienne s’explique par la proximité frontalière et culturelle, par le besoin de main d’œuvre et par les difficultés politiques italiennes (Risorgimento et la montée progressive du fascisme Mussolinien).

Ainsi se développe une économie du tourisme. Cette activité draine un flot économique : des emplois divers, l'artisanats, le commerces et l'agriculuture sont directement liés à cet essor.
L’embauche massive de travailleurs italiens à bas prix accroît la concurrence et provoque des rixes régulières avec la population locale (cf achives de la Police).
Ainsi, dès 1880 les italiens sont peu appréciés dans les A.M.

Dans ce contexte on arrive rapidement à un véritable cosmopolitisme niçois, un mesclun de diversités culturelles. On distingue 3 couches sociales :
- Les classes aisées
- Les classes moyennes et pauvres
- Les autochtones, qui sont séparés des deux précédents.
On parle d’un "tripartisme cloisonnant".

L'un des effets pervers du développement touristique est l'apparition de l' exode rural : (déséquilibre démographique entre l’arrière-pays et le littoral).
Alors que Cannes voit sa population quadrupler entre 1861 et 1911 et que Menton est multiplié par 3 dans le même interval (3ème ville des A.M. après Nice et Cannes).
On parvient à une crise agricole.
Il y a plus d’habitants urbains que ruraux : un équilibre fondamental dans l’économie savoyarde est boulversé.
On parle d’un boom urbain en 1876 : l’essor du tourisme modifie l’économie. La ville change d’aspect.

Une crise agraire :

Les A.M. ont une géographie qui ne propose pas de grands espaces. L’agriculture se fait sur de petites parcelles (planches et restanques). Ainsi l’espace agricole est divisé entre de petits propriétaires, on parle d'un système « microfundiaire ».
Entre 1860 et 1880, 80% des paysans possèdent moins de 2 hectares à cultiver. L’arrière-pays reste à des techniques anciennes : pas de machines agricoles, emploi de l’araire, pas d’engrais…
Il y a peu d’exedant de production et peu d’échanges commerciaux, il y a aussi un aléa lié aux coditions météo. La production agricole est autarcique, de polyculture et de subsistance.
On produit surtout :
- L’olive (oléiculture)
- La vigne (viticulture)
- Les céréales (céréaliculture)
La culture des fleurs connaît un essor à la fin du XIXème siècle. L’arboriculture est peu développée, il y a quelques vers à soie et un peu d’élevage.

Le ravitaillement régional est très délicat : l’arrière-pays ne subvient pas à ses besoins, il est isolé et survit dans des archaïsmes. La vie paysanne est rude.
Aussi la crise agraire a des conséquences graves :
- baisse des prix avec l’ouverture à la concurrence
- dépression économique entre 1880 et 1895 dans les A.M.
- difficultés des 3 pilliers économiques régionaux (olive – vigne –céréales) avec la concurrence des huiles tunisiennes, la mouche des oliviers (dite « Kevioun », dès 1865)
- le gel (hivers rudes) qui détruit les récoltes

Aussi l’exode rural semble être la seule solution aux populations de l’arrière-pays. Le littoral et la ville fascinent. On perd peu à peu les valeurs traditionnelles.

L’industrie avant le tourisme :

Nice n’accompagne pas le phénomène de mondialisation de l’époque. Cette ville n’a jamais été un grand pôle industriel.
En 1862 la ville comptait 3700 établissements industriels, qui employaient 12.000 ouvriers, souvent de manière périodique.
- l’industrie alimentaire employait 6.000 ouvriers (la moitié !)
- l’industrie du textile : 3.000, avec des matières premières locales
- la chimie : 1500 (seule industrie qui échange beaucoup avec d’autres pôles)
- le bois : 500 (scieries de l’arrière-pays)
- on doit aussi mentionner la céramique, briqueterie, verrerie, faïencerie, qui sont des artisanats spécifiques.

Les A.M. sont le théâtre d’un pullulement de petites industries souvent tributaires de l’agriculture locale. Ces ateliers sont dispersés, il y a peu de réseaux de communication.
Une mutation s’opère entre 1880 et 1890 avec le tourisme et les transports :

Le développement des réseaux de communication :

Il existe peu d’axes de communication internes en 1860, au moment du rattachement. Seulement de grands axes avec la route du sel et la route de Turin, qui traversent le comté sans utilisation interne véritable.
Il n’y a donc pas de cohérence dans la desserte de l'ancien Comté, l’espace est pensé politiquement par la Savoie pour traverser l'espace sans le mettre en valeur. Dès le moyen pays, l’acheminement se fait à dos de mulets. Le long des côtes, on utilise les navires en cabotage.
Le relief alpin constitue un obstacle majeur, le débit irrégulier du Var et du Paillon emporte régulièrement les routes et gués.

La 3ème république lance un énorme chantier dès 1870 pour rattraper le retard : 20 ans de travaux sont necessaires. En arrière pensé, l’état français voit aussi l’intégration des populations et une mobilité militaire. Pour cela, l’état s’engage massivement.
En 1865, l’arrière-pays est désenclavé. Le pont du Var en fonte est posé à la même époque.
En 1868 : route Menton-Sospel
En 1863 : route de la Vésubie
En 1870 : route dans l’arrière-pays (est-ouest) et route dans la Tinée
Le littoral est désenclavé avec Nice-Villefranche en 62, Beaulieu en 66, Menton en 87.

Le train passe à Nice en 1864, puis a Beaulieu, Monaco, et Vintimille en 1870.
On peut faire Nice-Digne en 1911. (Puget-Thénier en 1891). On créé Nice-Cunéo, Menton-Sospel en 1912.
Les réseaux de communication explosent.
En 30 ans, les vallées enclavées sont accessibles. Seules 4 communes ne possèdent pas de voie carrossable sur les 163 du département !

On construit aussi des ouvrages militaires : une route et des forts suit la frontière et les crêtes.

L’essor du tourisme :

Le tourisme fait un bon à la fin du XVIIIème siècle, déjà.
En 1780, les « Hirondelles d’hiver » passent 6 mois sur la riviera. C’est un tourisme de luxe avec beaucoup d’Anglais.
Dès le royaume Sarde, des aménagements divers sont entrepris pour accroître le phénomène touristique : aménagement de la colline du château, couverture du Paillon, construction de la Promenade des Anglais, infrastructures diverses.
En 1830 à Nice on compte 14 hôtels.
Du rattachement à la veille de la 1ère guerre mondiale, l’essor touristique est fondamental. C’est une source de richesse pour Nice. Il oblige à certaines modernités « luxueuses » : développement du chemin de fer (gare SNCF), aménagements du Paillon, tout-à-l’égout, éclairage public, casinos (en 1884).
Années :
Nombre de touristes d’hiver :
1874 - 1875 : 22.000
1884 - 1885 : 45.000
1894 - 1895 : 120.000
1904 - 1905 : 450.000
1913 - 1914 : 800.000
Face à cet essor économique qui profite de la situation ?
Le Niçois et autochtones profitent, tout en ayant finalement peu de choix. On vit parfois ce phénomène comme une « colonisation », il y a des réactions niçoises diverses.

La spéculation immobilière couplée au phénomène du tourisme remodèle la ville.
Le visage économique et culturel change pour une capitale mondiale du tourisme.
La « Côte d’Azur » : appellation : de Stéphane Liégard.
Pas de touristes à Nice l’été (trop chaud).

En 1880/90 se développe une économie de tourisme.
Nice n’est pas un port militaire (cette fonction est conférée à Toulon), n’a pas d’industries (pour ne pas indisposer les touristes), et développe la culture des fleurs.
On les exporte massivement vers la Russie, l’Allemagne, la Suède…
Cette culture prend une telle importance qu'en 1887 apparaît un "Syndicat des Expéditeurs de Fleurs du Littoral".
Les conditions d’élevage sont améliorées avec le développement de cheptel bovin, porcin et la fabrication de lait.
En revanche certaines activités diminuent : le textile, les activités traditionnelles (moulin, vannerie…). L’industrie n’est plus au service de la transformation de la production agricole mais vise à satisfaire les besoins de la ville.

Les étudiants nottent les profs : projet de loi LRU - rapport Attali

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pecresse s'est exprimée pour la généralisation d'un système de notation des professeurs par les étudiants.
Ce projet est amplifié par le rapport de la comission Attali.
Annoncé sur le site du journal "rue89", ce nouvel élément de réforme dans le milieu universitaire pourrait bien mettre à dos les derniers profs non mobilisés face à la L.RU.

"L'élève de 6ème qui vient de traiter son prof de "connard" aurait ainsi la possibilité, en plus des 48 heures de garde-à-vue, de lui coller un zéro pointé, avec la bénédiction de son père, cela va de soi".

Ce texte est critiquable sur de nombreux points, je vais essayer de synthétiser ici les plus significatifs :

Le rapport enseignant-enseigné n'est pas une relation de vendeur à consommateur, de prestataire de service à payeur.

En milieu Universitaire il s'agit d'une relation de celui qui enseigne à celui qui apprend.
Il y a aussi l'enjeu de la place, là ou le professeur à l'Université tient un nom et une carrière potentielle, et là ou l'étudiant mise sur son avenir. La notation pourquoi pas, mais quelles types de dérives ? corruption, chantage, menace, lobbies...

Au collège / Lycée, la notation serait une relation d'adulte à enfant ou adolescent.
Imaginez que le prof de maths soit une jeune femme, pas très jolie, pas très à la mode, et la risée des plus discipés. Les cours sont généralement le bazard, tout le monde lance des gommes, crie, la prof n'arrête pas de demande le silence, de se calmer, etc... Tous les cours sont comme ça. Pourtant, le peu de temps qu'elle réussit à parler, elle enseigne les maths, explique bien, elle reprend les questions que les élèves de la rangée de devant n'ont pas compris, etc... C'est une bonne prof, elle enseigne bien les maths, les élèves qui veulent étudier comprennent bien. Voilà, mais elle n'a pas d'autorité et ne sait pas se faire respecter. Pour chacun des critères: pédagogie, enseignement, gentillesse, respect, ponctualité, etc... Croyez-vous que les élèves vont être "objectifs"? Bien-sûr que non, ils vont mettre un zéro pointé à chacun des critères par vengeance, mesquinerie, et pour enfoncer la pauvre dame encore plus. C'est une question de psychologie de l'être humain. C'est comme ça.

Vous n'avez que des mauvaises notes ? pan !
Le chargé de TD est trop exigeant ? pan !
Le prof fume, est homo, black ou juif ? pan !
Votre prof est politiquement du mauvais bord ? pan !
Le programme / la bibliographie / votre sujet d'exposé ne vous convient pas ? pan !


Ce n'est pas une relation de stricte équivalence égalitaire.
Pourrait on apprendre plutôt aux élèves à apprécier l'école au lieu d'en faire des consommateurs et des commentateurs ?

Le trésor de l'Afrika Corps - l'or de Rommel en Corse

Il existe plusieurs théories quand à la localisation d'un éventuel trésor.

L'une d'entre-elle suppose que la cargaison repose sous l'eau, à proximité de la côte orientale corse :
Un plongeur qui servi comme SS durant la WWII, connu sous le pseudonyme de Peter Fleig déclara avoir eu pour ordre d'aider un groupe de 4 officiers à cacher six caisses de munitions dans une caverne sous-marine quelquepart le long de la côte orientale Corse.

Quelques temps après, en Italie, les 4 officiers furent arretés. Refusants de coopérer, ils furent abattus. Fleig eut la vie sauve mais prétendi ne pas connaitre ni le contenu des caisses, ni la localisation précise.

L'actualité est riche puisque cet été, un navire allemand équipé de matériel de détection a prospecté au large de la côte orientale corse. L'état a réagi face à cette violation des eaux territoriales françaises mais le Département de Recherches Archéologiques Sub-aquatiques et Sous-Marine (DRASSM) a officialisé l'intervention allemande en délivrant une autorisation.

L'or de Rommel est-t-il quelquepart dans une caverne sous-marine en Corse ?

Randonnée raquettes Tête de Giarons

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Nous avons fait un peu de raquette ce week-end avec le fameux circuit de la tête du Giarons (2027 mètres). Voici un lien vers les photos de l'expédition.
Une itinéraire bis de cette rando existe sur le site du Conseil Général (lien).

Au départ du col de la Couillole (1678 mètres), raquettes aux pieds et ski sur le dos nous sommes parti marcher environ 15 km, pour la journée.
Le temps était nuageux mais pas menaçant, cela ne nous a pas empeché d'avoir très chaud et de boire près de 2 litres chacun.

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Pour acceder au massif alpin qui s'avance sur les vallées du haut-pays du Cian et réserve un panorama exeptionnel, nous avons traversé quelques sommets : la Cime de la Tournerie (balisée par la ligne à haute-tension) et déja recouverte de 50 cm de neige; puis le Pin Pourri et la Tête du Pommier qui atteignent plus de 80 cm de poudreuse dans des pentes qui ont ravis les skieurs.
Nous avons traversé les pistes du domaine de Roubion, toutes ouvertes.
Enfin nous sommes parvenus dans les plateaux si dépaisants de la Baisse de Clari.

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A ce niveau le paysage est hors du commun : ce large plateau valonné est ceinturé par les vallées de Roubion à l'est, et Beuil/Valberg à l'Ouest.

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Devant nous, au sud nous avons reconnu le mont Boron et apperçu ce que je pense être les montagnes de Corse .

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Derrière, côté Nord-Est le mont Mounier qui masque Auron :

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C'est là que la montagne semble se noyer dans les nuages. L'air est différent, on a l'impression de flotter au dessus de la plaine, comme si on marchait sur un nuage de neige.

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Numismatique : étude de monnaies romaines - le cas du port d'Ostie

Etude du port d'Ostie au travers de monnaies romaines :


Voici l'étude de 8 monnaies romaines vues de leur revers et de 3 monnaies vues de leur envers.
Elles représentent le port d’Ostie à l’époque de Néron, Trajan et Commode.
L'analyse se fera au travers de deux aspects évoqués dans les représentations : les navires, puis les infrastructures.


Nero. Sestertius, Lugdunum circa 65, æ 31.62 g. NERO CLAVD CAESAR AVG GER P M TR P IMP P P Laureate head l., with globe at point of neck. Rev. S – C Bird’s eye view of the harbour of Ostia. At the top faros surmounted by statue of Neptune, holding sceptre; at bottom, reclining figure of Tiber l., holding rudder and dolphin; below, PORT AVG. To l. crescent shaped pier with portico. To r., crescent-shaped row of breakwaters. In the centre, eight ships. RIC 441. BMC 323 (this reverse die). C 252. CBN 75 var.


Trajan. AD 98-117. Æ Sestertius (23.35 g, 6h). Struck AD 112-115. Laureate and draped bust right / PORTVM TRAIANI, three ships within hexagonal harbor framed by two-story arcades; temples surmounted by statues on either side below. RIC II 632; Banti 84A.


Commode. Medallion circa 189, æ 73.11 g. IMP COMMODVS AVG PIVS FELIX Laureate, draped and cuirassed bust r. Rev. VOTIS FELICIBVS Commodus, veiled, sacrificing at tripod placed at the entrance of a harbour towards which five vessels are approaching; a priest standing by the tripod accompanies the Emperor. On r., a pharos and beneath, on the sea-shore, a slain bull. C. 996. Gnecchi pag. 71, 175 and pl. 89, 7. H. Gruber, Roman medallions in the B.M., p. 30, 44 and pl. XXXV, 3. BMC p. Clxxxiii



Les navires :

Le revers de cinq monnaies de Néron figure une vue « en œil d’oiseau » d’une scène de navires dans le bassin du port d’Ostie. Il n’y a pas d’indication de date : aucun évènement majeur ne semble être mentionné (inauguration ou achèvement divers). Ces monnaies ne pourraient être datées avant 63/64. On propose la chronologie de 64/65.
La face de ces monnaies représente le buste de l’empereur lauré à gauche avec le globe sur la nuque. Autour de ce buste se lit sa titulature.

Une flotte de navire est concentrée dans un bassin. Parmi ces 8 navires, l’un d’eux est au centre. C’est le plus massif. Sa représentation le place comme important dans la composition de l’image. On suppose qu’il s’agit d’un navire de commerce chargé de son fret.
Parfois sur certaines monnaies[1], une petite embarcation à rame « scapha » est représentée à sa proue. Cette dernière est en train de tracter le vaisseau.
Lorsqu’un navire arrivait à proximité du port, handicapé par son chargement (ou par une météo difficile) et par conséquent peu manoeuvrant, il pouvait être pris en charge par une petite embarcation à rame.
Ce vaisseau de commerce est armé d’une voile carrée enroulée sur sa vergue. Sous le mât on distingue une partie de la cargaison ou une cabine. Sur certaines représentations[2] des marins sont figurés à chaque extrémité du navire, peut être aident-t-ils au déchargement.
Au niveau de la poupe et parfois de la proue un élément dépasse horizontalement de la coque. Sur l’une des représentations cet élément est agrémenté d’un bastingage[3]. Des personnages et du matériel sont disposés sur cet élément[4]. Il peut s’agir d’une passerelle.

On déduit que tant que le navire est tracté par la scapha, les marins ne sont pas représentés. Dès que la scapha s’éloigne[5] et que le navire est immobilisé, les marins entament le déchargement en plaçant les cargaisons vers la passerelle.
Afin de gagner du temps, avant même l’immobilisation, il semble que l’élément passerelle est déployé. Cette passerelle est en position relevée sur la monnaie en bas à droite. La scène du navire en attente au milieu du bassin portuaire montre l’effervescence du port et la synchronisation des différentes unités.

Autour de ce vaisseau central, on remarque plusieurs « scapha ». Parfois les rameurs sont représentés à bord[6]. Ils sont placés de dos par rapport au mouvement de la barque, afin de rentabiliser au maximum l’effort.

D’autres navires à voiles sont représentés autour du vaisseau central. Ils sont soit à quai, soit en train d’y accéder.
Si les quais sont trop encombrés, le navire doit attendre au milieu du bassin portuaire, auquel cas des bâtiments spécialement conçus les « lenunculi » peuvent entamer le déchargement.
Un navire de combat est représenté sur la droite, en haut (« à 1 heures »). Ce vaisseau long est armé de rameurs protégés par des boucliers, sa proue est renforcée d’un rostre[7]. Il est dépourvu de mât et ne manœuvre donc que par la force humaine (rameurs).
Les autres voiliers sont amarrés au quai, à l’exception d’un navire qui semble appareiller[8].
La représentation du navire appareillant est située sur le côté gauche de la monnaie (« à 10 heures »). La voile est en train d’être bordée, la proue est dirigée vers le large. Il est représenté parfois avec les passerelles non repliées, alors que le navire quitte son ponton. Il s’agit là encore d’une représentation de dynamisme qui illustre la recherche de gain de temps.

A proximité de ce navire, un autre est représenté en train d’arriver au port. Présent sur toutes les monnaies au sommet et légèrement à gauche (« à 11 heures »), il est mieux visible sur celles du bas du document. Sa voile carrée est gonflée par le vent, c’est le navire le plus dynamique de la composition parce qu’il entre dans le port à pleine puissance. Il semble que sa passerelle de proue est en position relevée (sur les monnaies du bas).


[1] Visible sur toutes les monnaies à l’exception des deux situées en bas du document.
[2] Visible sur les monnaies en bas du document.
[3] Monnaie au centre côté gauche.
[4] Monnaies situées en bas du document.
[5] Monnaie située en bas à gauche.
[6] On les remarque sur les deux monnaies du bas du document et sur la monnaie au centre à gauche.
[7] Le rostre est assez visible sur la monnaie en bas à droite.
[8] Le navire appareillant est visible sur les monnaies à l’exception de celle située en bas à droite du document.


Les infrastructures

A sommet des monnaies de Néron, en position centrale on remarque la statue de Neptune qui trône sur l’ensemble de la scène. La divinité brandi un sceptre dans sa main gauche. A sa base on remarque une structure de forme circulaire qui pourrait être le bâtiment du « faros ». L’ensemble de l’élévation semble être bâti sur un troisième élément[1] de forme vaguement ovale. Cela pourrait représenter le môle vu en coupe et de face, comme si l’on arrivait de la pleine mer face au port.

Symétriquement opposé au Pharos, en bas de la monnaie se trouve un homme représenté semi allongé, nu et de profil.
Cette représentation est comparable à celle des « dieux de rivières », elle est assez familière sur les monnaies impériales.
Les attributs sont différents des dieux de rivière conventionnels puisqu’il tient dans la main droite un gouvernail, et dans la main gauche un dauphin. Il adopte cependant la même posture.
Cela pourrait être une représentation symbolique qui matérialise l’endroit où l’eau douce du Tibre se jette dans la mer[2] ; ce lieu pourrait être personnifié par la divinité représentée ici.
L’association au dauphin, lui-même lié à la mer rapproche la symbolique de la mer, alors que le gouvernail symboliserait plutôt la rencontre du fleuve avec la mer et la navigation.
Il pourrait alors s’agir d’une divinité portuaire, cas déjà attesté par des monnaies Corinthiennes des périodes impériales. Cette représentation serait alors la personnification de la divinité du port d’Ostie. Il pourrait s’agir de Tibère[3], de Neptune[4], d’Oceanus ou Hafengott[5].

Sur la partie périphérique des monnaies de Néron on remarque deux môles semi-circulaires. Celui de gauche semble être aménagé de plusieurs constructions : portiques, horréa et un temple.
La partie périphérique droite quand à elle représente des arcades sur un môle semi-circulaire.
Ces constructions à proximité du bassin semblent particulièrement visibles sur le revers des deux monnaies de Trajan.

Alors que l’envers est frappé du buste de l’empereur de profil droit et inscrit sur le pourtour sa titulature, le revers affiche un port et des bâtiments autour d’un bassin de forme hexagonale.
Dès la fin du 1er siècle, le port de Claude commençait à s’envaser. Pour cette raison fut réalisé le projet de Trajan, qui comportait un nouveau port et schéma portuaire. Le bassin fut creusé à l’intérieur des terres, il était plus petit que celui de Claude, de forme hexagonale et d’une profondeur de 5 mètres.
Tout autour du bassin s’alignaient des entrepôts, une construction résidentielle importante « palais », un bâtiment administratif, un temple de « Liber Pater », un autre temple de forme circulaire de « Portumnus », d’autres sanctuaires, des thermes, une caserne de vigiles et une statue colossale de Trajan.
Entre le bassin et les horreas s’élevait un mur percé de portes destiné à la défense et à l’octroi. On peut supposer que ce mur et certains des bâtiments évoqués sont représentés sur ces monnaies, notamment sous la forme d’un péristyle à deux étages.
Quand un navire arrivait au port, il était conduit à un quai où son emplacement était marqué par une colonne numérotée. De nuit ou par mauvais temps, l’infrastructure portuaire pouvait être balisée par des feux au niveau des arcades, avec le combustible contenu dans des jarres[6]. Ces jarres sont représentées sur les arcades des monnaies de Trajan. Elles sont placées à intervalle régulier.
En périphérie de la représentation du port est mentionné « PORTVM TRAIANI », port Trajan. Les textes anciens évoquent au total trois ports appelés port Trajan : Ostie, Centum-Cellae et Ancône. La configuration du bassin et l’agencement des bâtiments permettent de déduire que la représentation ici est bien le port d’Ostie.

Enfin la dernière monnaie est frappée sur son recto du buste de l’empereur Commode, de profil droit, drapé et cuirassé. Autour de lui est écrite sa titulature.
Sur le revers de la monnaie est représentée une scène à l’entrée du port d’Ostie.
Dans la partie centrale droite l’empereur Commode se tient de profil (côté gauche), il porte la tenue pontificale et ses attributs (une patère et un rouleau de parchemin). Il vient de sacrifier un bélier[7] étendu sur le rivage. A proximité de l’empereur se trouvent un trépied et un prêtre.
La scène se déroule sur un môle. Derrière l’empereur, sur la droite un phare à 3 étages pyramidaux à degrés est paré au sommet d’un feu à l’aire libre. Il s’agit d’une représentation du Pharos d’Ostie, inspiré du prototype d’Alexandrie et premier construit dans le monde romain.
Au devant de l’empereur (sur la partie gauche) est représentée une scène de navigation composée de deux gros navires et de trois barques : deux scapha sont en train de remorquer les deux navires lourds alors qu’un troisième scapha (au 1er plan) se dirige vers le port.
Face à l’empereur et remorqué par un scapha composé de quatre rameurs, un vaisseau lourd fait route vers le port. Il a sa voile gonflée, à sa proue on distingue un mât incliné vers l’avant et gréé d’une voile « vexillium » utilisée comme un foc et pour faire de l’ombre sur le pont. Au niveau de la poupe un personnage est assis. Il est en armure, avec un casque à cimiez et porte à la main droite une épée. On suppose qu’il s’agit du capitaine du navire divinisé, peut être Jupiter Serapis ou Fortuna Dux. Tous les personnages (rameurs, capitaine du vaisseau font face à l’empereur).
Surplombant la scène, au sommet de la monnaie, l’autre navire lourd est remorqué par un rameur unique dans son scapha. Le navire est train de naviguer sur sa voilure principale (mât central).

Cette monnaie fut sans doute frappée vers la fin du deuxième siècle de notre ère, en référence à la flotte Africaine armée et établie en urgence par Commode en 186. Cette flotte avait pour mission d’aller chercher du blé en Afrique suite à la pénurie Egyptienne. Le succès de l’opération a donnée lieu à la glorification de l’empereur et de sa flotte, glorification notamment visible sur cette monnaie.


[1] Très visible sur les monnaies du centre côté droit et du bas côté gauche
[2] Par comparaison, le revers de certaines monnaies d’Alexandrie symbolise la rencontre du Nil et de la Méditerranée au port d’Alexandrie.
[3] Selon SYNDENHAM, The Coinage of Nero, Londres, 1920 p. 108
[4] Selon MATTINGLY, BMCEmp. I, p. 221
[5] Selon IMHOOF, Fluss und Meergötter, p. 247.
[6] C’est la théorie du Professeur Gilbert Bagnani qui propose un système de guidage par des feux pour les navires appareillants et accostants
[7] L’animal est peu visible sur la monnaie. Il repose en bas à droite. Il peut s’agir d’un cerf ou d’une chèvre.


Conclusion

Ces représentations évoquent une cité prospérité et relativement libre qui pourrait frapper sa monnaie pour sa propre gloire. Ce genre de cas est attesté sous l’empire romain.
Ces monnaies peuvent également célébrer l’arrivée au port des flottes chargées du blé de Rome.
Mais au-delà de ces aspects, il s’agit de l’expression propagandiste de la puissance du port d’Ostie, point d’arrivée du blé ravitaillant Rome. Imagé comme dynamique, organisé, là où chaque élément est synchrone, le bassin est représenté « saturé » de navires chargés du blé d’Alexandrie qui maintiennent l’approvisionnement de Rome à un moment crucial (risque de famine).
Les monnaies de Néron affichent ostensiblement un bassin rempli de navires chargés de blé autour du quel sont édifiés divers bâtiments. Cette représentation portuaire laisse entendre que Néron a réalisé un certain nombre de constructions dont on ne saisit pas encore la totalité.
Alors que certaines constructions d’Ostie et de son port sont clairement attestées à Claude, Trajan ou Septime Sévère, il semble très probable que Néron compléta les structures : il aurait réparé les dégâts de l’incendie de 64, établi de grands plans d’aménagements futurs, particulièrement avec la création d’un canal amenant directement à Rome les navires, à travers la Campanie[1].
Ces monnaies évoquent également le souvenir de l’achèvement du port. Ainsi il n’est pas représenté tel qu’il est géographiquement ordonnancé. La différence géographique entre les bassins semi-circulaire et hexagonaux serait à mettre sur le compte d’un souci d’angle de vue et de représentativité.
La monnaie de Trajan affiche un bassin hexagonal flanqué de nombreux bâtiments, richement décorés. Cette monnaie évoque le succès de l’entreprise de rénovation du port d’Ostie.
Dans le cas de la monnaie de Commode, elle vise à marquer la divinisation de l’empereur qui en sacrifiant un animal place l’entreprise de sa flotte sous le soutient des dieux. Le succès de l’opération, gravée sur la monnaie, rappel l’aspect divin de l’empereur.


[1] Cf. TACITE, Ann. 15.42-43 ; SUETONE, Nero 31 ; cf.16)