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Architecture Belle-Epoque Nice

L'Architecture de Nice Belle-Epoque

  • Lien vers l'article sur la Reine Victoria à Nice
La Belle-Epoque est une période d'essor à l'échelle mondiale. Traditionnellement bornée de 1870 à 1914, on peut pour le cas de Nice revoir cette période comme le fait Michel Steve, de 1860 (Annexion du comté de Nice) jusqu'aux années 20.
Le Château de l'Anglais est l’exemple parfait de la rupture architecturale qui a lieu au moment du rattachement du comté à la France, en 1860 :
Après avoir beaucoup voyagé en Inde et Malaisie, Le colonel Smith (ingénieur du Géni) achète 22.000 m² de sol inculte au Mont Boron en 1856 et construit une résidence vaste et complexe. Les niçois sont frappés par l’apparence insolite puisque l’architecture mêle divers styles comme le gothique, du rococo et du néo-monghol et que les plans sont calqués sur le « Fort Rouge » de Dehli.
Transformé en copropriété après la Seconde Guerre mondiale, il est aujourd’hui monument classé.
Cette époque (Le rattachement du compté de Nice à la France en 1860) est le point de départ d’une nouvelle ère :
En effet, les caractéristiques niçoises et environnantes en matière de démographie, de culture, d’économie, et de langue par exemple commencent à évoluer (alors que ces mêmes caractéristiques étaient resté figées durant plusieurs siècles).
Ces modifications importantes touchent finalement à tous les sujets quotidiens des niçois et à leur cadre de vie, tant et si bien que cette période d’essor se marque dans l’architecture notamment.

La fonction d’accueil fut désormais le facteur déterminant du développement urbain, les initiatives publiques et privées devant conjointement envisager des aménagements et des structures d’accueil susceptibles de satisfaire les goûts de luxe de la clientèle :
Les axes de communication sont développés par le chemin de fer et les nouvelles routes,
Des bâtiments et des évènements à vocation culturelle ou de divertissement apparaissent avec les casinos, les cinémas, théâtres, le carnaval, le festin des reproches…
Divers progrès techniques (tout à l’égout, éclairage public, le tramway, le funiculaire…) rendent la ville plus moderne et attractive.

Dans un contexte d’explosion démographique (4500 hivernants en 1861 ; 33.000 en 1881 ; 150.000 en 1910) l’espace urbain de Nice s’étend au-delà du paillon, vers les collines de Cimiez, Rimiez, Fabron, St Philippe, St Barthélemy… Quand les collines sont occupées on aménage la plaine le long de grands axes Nord-Sud, comme Gambetta, Jean Médecin, Malaussena, Borriglione…
La construction de la ville nouvelle est amorcée.

Pour comprendre l’ampleur de ce phénomène, on suppose que l’étude des bâtiments et de leur style architectural dans cette période (la Belle Epoque) apporte des éléments de réflexion.
I. 1860 : Les débuts de la Belle Epoque à Nice :

Avant le rattachement, le style architectural niçois était dirigé par un « Consiglio d’Ornemento ». Ce conseil dirigeait un « plan d’extension et d’embellissement rationnel et structuré » de la ville. Le style correspond à un néo-classicisme sobre, issu de la restauration Sarde et de l’Italie du nord.
Exemples de la Chapelle du Saint-Sépulcre place Garibaldi, les arcades de Masséna, la façade de l’hôpital St Roch.


Le Consiglio d’Ornemento :
On parle de « rigueur administrative » dans les bâtiments de services, comme si on voulait donner au public un sentiment d'ordre et de rigueur en fréquentant hôpitaux, églises ou banques. En 1887 la construction du palais de justice parachève l'implantation des monuments classiques à Nice.
C’est ce « Consiglio » qui ordonne la trame de fond de la ville (toujours visible actuellement) avec l’aménagement le longs des berges du paillon de grands bâtiments, les places « à l’italienne » sur les espaces autrefois défensifs comme la place Garibaldi et Masséna.
Le contexte du rattachement français :
Le rattachement du comté en 1860 met fin au contrôle architectural. La liberté, la mixité culturelle, la richesse des commanditaires et l’époque d’essor font imploser la créativité du bâti à Nice notamment. Ce succès de « l’architecture Belle Epoque » se doit à deux éléments :
- L’arrivée massive d’une clientèle aristocratique et désireuse d’éblouir par son cadre de vie, sa culture, ses rêves.
- L’histoire régionale et la diversité culturelle.

La Belle-Epoque annonce donc une période d’opulence et de joie de vivre : une ville neuve surgit dès le rattachement en rassemblant le luxe et l'oisiveté de toute l'Europe. Parce qu’elle rassemble ces privilégiés Nice est différente d’ailleurs : elle bâtie pour le plaisir et les distractions d'une classe sociale privilégiée.

Symptômes du nouvel élan : les gares de Nice :
On assiste à une mutation culturelle bien illustrée dans la construction des deux Gares :
La gare de Nice PLM était légèrement à l'extérieur de la ville, alors qu’aujourd'hui elle est en plein centre-ville. Tout comme la gare de Toulon, sa disposition était de type bilatéral. Cependant, l'évolution du trafic (ouverture de la ligne Nice-Coni) a nécessité des agrandissements condamnant cette disposition. Malgré tous les remaniements supportés par le bâtiment, le style a été conservé : les murs recouverts de briques, les chaînages et sculptures sont réalisés avec de la pierre d'Arles, ce qui rapproche du style Louis XIII. Le hall voyageur richement décoré est surmonté de balustrades et orné d'une grande horloge. L’intérieur de la gare est en cours de restauration avec un décor de fresque au plafond et une grande verrière à 2 nefs cintrées recouvre toujours les voies. Avant les TGV, elle abritait des trains prestigieux (le Pullman Côte-Azur Express, le Train Bleu et le Mistral).


La gare du Sud (ci-dessus) est l’aboutissement du projet Nice-Digne, la gare ouvre le 7 juin 1892 d’après les plans de Bobin. Ce dernier fut un élève d’Hittorff, créateur de la gare du Nord à Paris d’où les ressemblances :
- un pavillon central monumental, relié par deux ailes à des pavillons latéraux.
On est frappé par la diversité des matériaux mis en œuvre : pierre, brique et céramique. Le décor reprend des modèles grecs, médiévaux, néo-classiques, géométriques. Sur la partie arrière s’appuyait une grande verrière qui servit notamment à l’Exposition Universelle de Paris, 1889. Cette verrière, classée à l’inventaire des MH a été démontée récemment pièce par pièce et devrait être replacée à l’original.


C’est sans doute le climat doux et la qualité de vie qui attire massivement une population aristocratique internationale dès le XIXème siècle.
Ces princes se font construire des bâtiments somptueux dans de grands parcs. Ils veulent étaler sur les façades leur richesse et leur culture.
Nice comptait 35 hôtels en 1860, 130 en 1900, 180 en 1910.
Chaque palais arbore sur ses façades des éléments architectoniques divers, parfois sans relation. C’est à qui sera le plus remarqué, on aboutit à un étalage de formes moulées dans le stuc et agrémentés de couleurs vives.
Ainsi les élites mondiales affichent leur culture et leur pouvoir.

Une ville pour étrangers :
La ville est partagée par 3 groupes d'étrangers qui exercent leur influence : russes, anglo-saxons et français.
· Le quartier anglais répondrait selon certains auteurs à une volonté ségrégationniste : créer un quartier colonial en bordure de la ville ancienne (comme avec leur empire colonial) et le long de la mer, dans le quartier de la Buffa. : pourquoi les anglais se seraient-ils installés ici ? On raconte que la communauté anglaise était friande de promenades le long du bord de mer (promenade des anglais), aboutissant au casino de la jetté-promenade. Un pasteur anglican aurait alors souhaité installer sa paroisse à proximité, d’où le point de départ de la concentration anglaise. L’église et le cimetière concrétisent cette pensée mais on ne remarque pas une unité de style spécifique (alors que certains monuments isolés le sont : château Smith, le château la tour (aux Baumettes), à cimiez le manoir Belgrano.
· Le quartier Russe est par contre très dynamique, dans le quartier du Piol, Valrose, Baumettes : constructions de grande ampleur, architecture éclectique, architectes slaves.
· Les français ne se regroupent pas en quartier. Ils se dispersent dans la ville.
Dans ces conditions il est difficile de trouver des rues voir quartiers avec une unité complète de style. Cela fonde l’un des particularismes de l’architecture urbaine de Nice.

Ainsi la reine Victoria, les rois Léopold II de Belgique, Oscar de Suède, mais aussi les artistes et intellectuels tels que Nietzche, Tchekhov, Matisse affluent sur la Côte d’Azur le temps d’un hiver.

Des bâtiments de prestiges :
Cela a un impact conséquent sur l’architecture niçoise. L’art nouveau s’illustre dans les Palaces et Hôtels avec la vogue du « jardin d’hiver » notamment : une serre de fer et de verre ouvrant un grand espace où pousse une végétation exotique. On les voit encore au Negresco dans sa Grande Rotonde (classée) ou au Regina Hôtel.
Exemples :
- L'Hôtel Regina Excelsior à Nice-Cimiez, par Biasini :
C’est la demeure de la reine Victoria, qui y passe les dernières années de sa vie. Cet hôtel traduit la pensée de l’époque : ostentation, triomphalisme du bâtiment sur la nature, affirmation de grandeur…
La qualité principale réside dans la silhouette et le traitement global du pan de façade avec des clochetons, minarets, combles d’ardoise.
Le style architectural est décrit comme éclectique, « on décore la façade par addition de styles plus que par composition ».
- L'Hôtel Grand Palais de Cimiez-Carabacel, par Dalmas : C’est un bâtiment énorme, prouesse technologique de 9 étages, construit en 1912.
- La villa Kotschoubey (musée des Beaux Arts) :

Construite en 1878 pour la princesse Ukrainienne éponyme, par Constantin Scala.
L’architecture est rythmée par des pilastres cannelés qui se répètent de part et d’autre des ouvertures à fronton de l’étage, en lui conférant une sorte de raideur, qu’humanise une loggia à péristyle à laquelle on accède par des escaliers opposés “à l’italienne”, et qu’adoucissent médaillons et guirlandes propres aux ornements de la fin du XVIIIe siècle.
Dans le parc de l'actuel musée on remarque un arceau de pierre portant à son faîte un visage mythologique, soutenu de chaque côté par des tritons encadrant une margelle renflée, décorée d’attributs aquatiques. Œuvre du sculpteur Henri Cordier (buste de Masséna dans le jardin du palais du même nom), ce n’est point une fontaine comme on inclinerait à le croire, mais le balcon d’une villa aujourd’hui disparue de la Promenade des Anglais.
Cette villa est l’un des exemples de villas à l’italienne pastichant la renaissance. On peut citer quelques exemples similaires avec la Villa les Palmiers (Palais du Marbre), la Pastorelle à Fabron, El Paradisio à Cimiez...
- Le palais de marbre (actuelles archives municipales) :
Dessinée par l’architecte Biasini (Crédit Lyonnais sur Jean Medecin) et réalisée entre 1872 et 1879, la construction de l’édifice nécessite (selon la légende) 27 bateaux chargés de marbre de Carrare et les Niçois baptisent aussitôt le bâtiment du nom de Palais de Marbre.
Sur la façade sud, le propriétaire Ernest Gambart fait graver un vers de John Keats, poète anglais (1795-1821) : "a thing of beauty is a joy forever". Cette façade est décorée de statues symbolisant la poésie, la musique, la danse et l’astronomie placées dans les niches, et au-dessus de la loggia se dressent des représentations de l’architecture, la sculpture, la peinture et la gravure. D’inspiration Renaissance italienne, ce haut-lieu de la vie niçoise attire pendant des années dans ses élégants salons et son parc, toutes les personnalités en vue, pour de fastueuses réceptions.
- La Villa Massena :
Construite par le grand architecte danois Tersling, il construisit pour Victor Massena une villa à son image : le côté Sud et ses formes élégantes rappellent le côté noble et scientifique du propriétaire, la rigidité de la façade Nord évoque sa carrière militaire. Pour plus de renseignements allez voir l'article spécifique sur le Musée Massena.
Plus insolites : les pastiches de châteaux du Moyen-Age. En général on adapte les fenêtres style renaissance, et une décoration intérieure plus XVII/XVIIIème.
A Cannes il y a celui de Lord Brougham, à Nice Nord le château Valrose, et  les manoirs Belgrano et Leliwa.
Il faut mentionner d’autres styles comme des villas pastichant le classicisme français : château Miramar, villa Mayrargues, l’architecture d’Europe centrale (château de la colline au Mont Boron), ou des architectures de rêve et de mythe :
o l’orientalisme :
- le château du Mont-Boron dit « de l’Anglais » : (de Smith) rappel les Indes par son crénelage et ses bulbes coiffants ses tourelles,
- La villa Surany à Cimiez ne possède d’oriental que certains éléments tels que les baies à arc outrepassé des façades.
- Des frises en mosaïque et arabesques polychromes visibles sur l’Hôtel de l’Alhambra.
o Egyptologie
La villa Zophia Quai des Etats-Unis...
o Grèce antique
- Villa Kérylos
o Courants divers :
- Eglise américaine en néo-gothique, la cathédrale russe (imitation de l’église de St Basile le Bienheureux à Moscou).

III. D’autres bâtiments :

Il est important de remarquer dans le cas de Nice que certains bâtiments datés de cette période (Belle-Epoque) ne sont ni des hôtels, ni des palais ou villas.
- L’opéra de Nice
Imbriqué dans le tissu urbain, l’Opéra de Nice a pu rivaliser très tôt durant la saison musicale – en hiver – avec les grandes scènes européennes. A l’origine théâtre, il a été plusieurs fois détruit (par un incendie en 1881). Sa forme contemporaine date de 1885 (François Aune). L’architecture éclectique mérite quelques explications :
La façade sud, tournée vers la mer, est d’inspiration néo-classique. Elle est sobre, François Aune ayant concentré l’essentiel du décor sur les pavillons de la façade nord.
La façade nord, avec sa colonnade, est composée de cinq travées, surmontées de deux pavillons entre lesquels s’élèvent quatre statues de Muses.
Une rotonde d’angle fait le lien entre les façades nord et est : à l’origine l’entrée principale de l’opéra y était située. Avec ses colonnes à bossage et ses grandes verrières, la rotonde donne un effet de verticalité et de majesté à l’édifice, quand les soirs de représentation, la lumière transforment l’opéra en un gigantesque vaisseau illuminé.

- les banques :
Le cas du crédit lyonnais :
Immeubles du Crédit Lyonnais ci-dessus (1890, architecte S.M. Biasini), et de la B.N.P. ci-dessous (1921, architecte Charles Dalmas).
- la chambre du commerce :
C’est l'œuvre de l'architecte Adrien Rey qui le réalisa de 1921 à 1923. Le sculpteur Michel de Tarnowsky réalisa le fronton où l'allégorie des Alpes-Maritimes trône couronnée, au-dessus du Commerce, qui tient le blason de Nice, et de l'Industrie. A ce groupe répondent de part et d'autre des portails d'entrée les sculptures de Paul Roussel. On note l’influence française dans le traitement des toitures (inclinaison et matériaux d’ardoises).
- L’église Notre-Dame du Port (immaculée conception) :
De style néo-classique tardif par Josph Vernier, elle démontre que dès cette époque on ne sait plus faire de néo-classique : en effet les colonnes ont de mauvaises proportions. La façade est bancale et massive.

Une architecture pour de nouveaux habitants :
Un autre type de bâtiments : les villas bourgeoises aristocratiques, construites à partir du début du XXème siècle.
Elles sont visibles aujourd’hui partout dans Nice, plus ou moins submergées dans les constructions récentes. Parfois elles sont en mauvais état, mais on remarque aussi de belles restaurations.
Conclusion :

La Belle-Epoque marque profondément Nice en urbanisant la rive Ouest du paillon. On construit des hôtels et palais sur les collines, de nouveaux quartiers sortent de terre le long de grands axes perpendiculaires.
Le style Belle-Epoque est la manifestation du regroupement de classes privilégiées, l’espace d’une saison, qui veut étaler sur ses façades sa culture, ses rêves, et sa richesse.
Pour bon nombre de cas, on constate souvent que « l’étage noble » des appartements (le 1er niveau) est bâti sur des soubassements traités de manière rustique, voir brute. Michel Steve n’hésite pas à interpréter cette généralité comme une métaphore du triomphe de la culture et du savoir sur la brutalité de la nature. On peut également y voir une affirmation de la hiérarchie sociale puisque souvent le rez-de-chaussé ou l’entre-sol est occupés par les domestiques.

L’existence de bâtiments publics divers, construits dans le style Belle-Epoque (comme église, hôpitaux, palais de justice, bibliothèque, banques…) pourrait affirmer la richesse et l’histoire de la nation et l’ouverture de la culture vers ses citoyens.

A Nice nous devons signaler l’extrême diversité de ce patrimoine et le pullulement de villas et immeubles, éparpillés dans les vallons, à flanc de colline ou noyés entre les nouvelles constructions. Ce type de bâtiment, parfois négligé doit être sauvegardé pour conserver les traces des spécificités Belle-Epoque locale.
Locale car pour conclure, la Belle-Epoque a touché le « monde civilisé » avec un impact global sur l’architecture. Toutefois nous devons démarquer Nice qui reste exceptionnelle par sa fonction même de capitale touristique.

3 commentaires:

  1. superbe article! j'ai adoré... j'ai un ancêtre qui anglais qui a vécu dans ces palaces et l'espace d'un article je m'y suis cru!!!!

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  2. TRES INTERESSANT ET TRES DOCUMENTE UN BEL HOMAGE NICOIS

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