L'année 2010 marquera le 150e anniversaire du changement de nationalité de la ville et du comté de Nice.
C'est en 1860 en effet qu'une partie de la province de Nice (le "circondario" ou arrondissement selon la terminologie de l'époque) devint française, en application des accords de Plombières (1858) entre Napoléon III et Cavour (le président du conseil du Royaume de Piémont-Sardaigne, dont Nice faisait alors partie) puis du Traité de Turin signé le 24 mars 1860 entre l'empereur des Français et le souverain sarde Victor Emmanuel II, futur roi d'Italie.
La récompense que celui-là obtint de celui-ci en échange de son soutien dans le processus d'unification de la Péninsule…
Son anniversaire sera, on s'en doute, commémoré, voire fêté partout dans le Comté. Mais, avant même de revenir (et de s'interroger) sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé cet événement, il convient, à l'approche des manifestations, de se demander ce que Nice va fêter en 2010 : son Rattachement à la France ou son Annexion à/par la France ?
Car, depuis la fin du XIXe siècle, une polémique sur le terme à utiliser pour désigner le passage de Nice sous souveraineté française s'est développée entre tenants de l'appartenance à la France et "séparatistes", qu'ils soient partisans du "retour" à l'Italie ou indépendantistes, les premiers utilisant le vocable "rattachement", les autres lui préférant "annexion". Une polémique d'une autre époque, certes, mais qui fait encore débat aujourd'hui, dans une ville où l'identité locale (on disait, il y a quelques années encore, "particularisme") tient, depuis longtemps, la première place face à une identité nationale que d'aucuns tentent toujours de conceptualiser !
L'historien, quant à lui, même sensible à l'une ou l'autre de ces thèses, se devrait de considérer les faits et seulement les faits...Les meilleures références officielles au changement de souveraineté restent le traité de Turin du 24 mars 1860 qui est intitulé "Traité d'annexion" et les procès-verbaux du plébiscite des 15 et 16 avril qui parlent tous, sans exception, d'annexion. C'est donc Annexion qui doit être utilisé même si, après la guerre de 1870-71 et la perte de l'Alsace-Lorraine, "annexée" à l'Allemagne naissante, le terme est devenu quelque peu péjoratif, synonyme d'usurpation, de conquête par la force. Rattachement avait néanmoins fait une timide apparition dès 1848, en référence à la courte période 1793-1814 où Nice fut française, mais contre sa volonté cette fois-là. Le vocable est abandonné jusqu'à la fin du XIXe siècle, quand il réapparaît pour conjurer l'autre "annexion", celle de l'Alsace-Lorraine. Plus tard, l'irrédentisme fasciste, qui prône le "retour" de Nice à l'Italie, parle bien sûr de l'annessione del 1860, favorisant ainsi en France, par réaction, l'usage du terme "rattachement", largement usité depuis, notamment lors du centenaire de 1960.
Puis certains historiens, notamment le professeur Paul Gonnet, conscients du poids de chaque mot, ont parlé de "Réunion", une nouvelle ambiguïté : la réunion suppose qu'il y a eu d'abord union, nécessairement consentie librement. Ce qui, pour Nice et son comté, n'est bien évidemment pas le cas (en 1793), même si, cent ans plus tard, on a cru possible de faire croire le contraire, en élevant un majestueux monument commémoratif face à la mer ! Il est vrai qu'à cette époque, Nice se remettait à peine d'un grave épisode séparatiste et qu'il fallait rassurer Paris sur la loyauté d'une ville devenue suspecte…
Verra-t-on, en 2010, apparaître une nouvelle terminologie ? Cette hypothèse semble se dessiner et l'on parlerait désormais d'union de Nice à la France. Un vocable tout aussi inadéquat que "rattachement" ou "réunion", puisque, outre le consentement mutuel, l'union implique aussi une certaine égalité entre les unis.
Rappelons quand même, au passage, que Nice n'aurait jamais pu "retourner" à l'Italie à laquelle elle n'a jamais appartenu. Le Comté est devenu français en 1860 alors que l'Italie est née un an plus tard, en 1861 !