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A Nice la vidéosurveillance s'installe : ville et police main dans la main

Nice-Matin titre "ville et police main dans la main".

Ensemble ils exploiterons les 198 caméras implantées sur Nice.

En médaillon, Christophe, salarié : "ça ne me gêne pas", et Nadia, agent de voyage : "le même principe que les radars".


"Mieux vaut prévenir que guérir". Dans la bouche des politiques niçois, le mot "prévention" signifie répression préventive.

Petit à petit il semble que l'on est déterminé à instaurer un climat de télésurveillance, où seuls les "hors-la loi" ont quelque chose à craindre.

Même l'interview impartial et au hasard par la presse locale vers ses concitoyens conciliants rabâche les arguments du "je me sens libre si je suis protégée", "il n'y a que ceux qui sont en infraction qui doivent craindre les caméras".


J'en viens donc à citer la fameuse lettre ouverte à Henri Chabert, "un homme qui n’a rien à se reprocher" :


En effet, en plus des vidéos surveillance déja installées dans les transports en commun niçois et sur certains espaces "sensibles (centres commerciaux, parkings, place Massena, vieux-Nice...), la vidéo-surveillance s’intègre dans un ensemble de dispositifs destinés à "révolutionner" le dispositif policier :

La "prévention situationnelle", appelée également "sécurité passive".

Par la prévention situationnelle, il s’agit de modifier l’environnement urbain pour générer un "contrôle social naturel" et éviter les situations d’insécurité. Quelques exemples parisiens : des bancs "semi debout" empêchent la présence de SDF dans le métro, un arrosage régulier de la pelouse des Halles éloigne les importuns.

La prévention situationnelle s’accompagne d’un renforcement des contrôles d’identité, de l’encouragement à la délation ("témoignages sous couvert de l’anonymat", articles 706-57 et 706-56 du code de procédure pénale, ou récement les cas de récompense si délation avec les dernières émeutes de banlieu), renforcement de la collaboration entre les services de police (liens entre les Renseignements Généraux, les Brigades Anti Criminalité et la gendarmerie). Enfin, en cas de coup dur : "la présence de la police sur le terrain ne se limite pas à celle des îlotiers. Des unités d’intervention, des unités spécialisées, des CRS peuvent aussi y participer."

Ce qu'il faut en déduire est que la vidéo-surveillance n’est qu’un élément parmi d’autres de la course au "tout sécuritaire"; elle concourt à "sécuriser l’ambiance générale"
Vidéo-surveillance, transformation du mobilier urbain, police de proximité... Face à la délinquance, l’État dévoile son idéologie techno-policière : la technologie est censée répondre aux faillites sociales et politiques.

Après la traçabilité des aliments et des marchandises, l’État prépare la traçabilité des individus, présentée comme seul moyen de faire disparaître les imprévus et les dysfonctionnements, là où il n’y a que les conséquences d’un système social féroce.

Quelles dérives ?
Dans l'absolue et pour que les caméras de Nice et d'ailleur soient efficace, il faut que derrière l'écran se tienne un policier.
Le problème soulevé par des gens très intelligents est simple : impossible de mettre un policier derrière chaque caméra. Blue Eye Vidéo, à l’instar d’autres sociétés comme Sissel, propose donc des logiciels spécialisés dans la détection automatique des comportements suspects, le comptage de la foule ou la détection d’infraction aux feux rouges...
Le pôle technoplogique de Sofia-Antipolis mérite d’être signalé : c’est là que les chercheurs du programme Orion ont développé une technologie comparable à celle de Blue Eye Video : le logiciel VSIS (Visual Surveillance Intelligent Software) qui détecte les événements suspects. Encore une fois, de la "vidéo-surveillance intelligente".

Caméras en lumière visible, infrarouge ou panoramique, capteurs biométriques, tags. Les espaces visés sont de tous types : ouverts ou fermés, aéroports, gares, centres commerciaux, rues, points de passages...

Débuté en février 2005, le programme durera deux ans, avec un budget de 2,3 M€. "L’objectif est d’observer une foule avec des caméras, et d’être capable de caractériser, voire de reconnaître, des individus au vol. L’analyse de chaque personne s’appuie sur un large corpus d’individus indexés par similarités.

L’idée est non seulement de pouvoir reconnaître une personne présente dans une base de données, mais aussi de reconnaître des types de personnes, les couleurs, la texture, les lignes de force du visage et les accessoires comme les lunettes."

La vidéo-surveillance rencontre ici une autre technologie de pointe : la biométrie, qui consiste à informatiser des données biologiques (odeur, sang, salive, urine, ADN), morphologiques (empreintes digitales, forme de la main, traits du visage, dessin du réseau veineux de l’oeil) ou comportementales : (dynamique de la signature, façon d’utiliser un clavier d’ordinateur, voix, démarche) pour l’identification ou l’authentification. "
[Le croisement technologique entre vidéo-surveillance et biométrie] est aujourd’hui en pratique dans plusieurs casinos aux Etats-Unis et en France (identification des joueurs interdits ou individus fichés), aéroports (identifications de personnes indésirables), stades (refoulement de voyous connus et dangereux pour la tranquillité des autres spectateurs), centres commerciaux ou grands magasins (repérer l’entrée de petits voleurs connus des responsables de la sécurité)" . Casinos, aéroports, supermarchés, voilà pour les usages privés.

A quel moment peut-on s’opposer à ce contrôle total, alors que la mise en place de chaque élément paraît innocente ?

Des caméras "absolument partout", pourquoi pas finalement ? Techniquement, ce sera bientôt possible. Honnête citoyen, tu ne seras jamais fiché au Grand Banditisme. Quand tu sors ce n’est pas pour poser des bombes, et tu n’as même jamais envisagé de voler un vélo. Tes comptes sont irréprochables, tu ne payes aucun fournisseur au noir, tu t'arrêtes à l'orange et tu paye la redevance TV.
Bref, tu n’as rien à te reprocher, tu l’as dit.
Alors pourquoi refuser les caméras dans la rue ? Aussi bien, pourquoi refuser les caméras dans ton salon ? Pourquoi refuser l’implantation d’une puce de localisation par GPS dans ton bras ?

  • Tu ne considères pas que les caméras, puces sous-cutanées et autres cartes d’identité empiètent sur ta vie privée.
  • Tu n’as rien à te reprocher : tu n’es pas Juif, ni Arabe, ni Noir, ni pédé.
  • Irréprochable, tu n'as que des amis policiers.
Mais es-tu tant à l’abri que ça ? Qui décide de ce que tu dois ou non te reprocher ? Faut-il absolument commettre des actes délictueux pour subir les foudres de la répression ?
Parfois il suffit d’exister. En octobre 1940, les Juifs résidant en zone occupée française reçoivent l’ordre d’apposer la mention "Juif" sur leur carte d’identité. En mai 1942, c’est le port de l’étoile jaune qui devient obligatoire. Gageons qu’une grande majorité de citoyens juifs a accueilli cette nouvelle sans grande inquiétude. Après tout, ces gens, comme toi, n’avaient rien à se reprocher : ils sont allés s’inscrire et ont cousu eux-mêmes leur étoile jaune sur leur veste. Puis, du jour au lendemain, c’est leur existence qui est devenue criminelle.
Cette référence au régime de Vichy te semble abusive ? Elle rappelle combien nous sommes à la merci de l’État, combien des outils de fichage tels que la vidéo-surveillance ou la biométrie peuvent décupler son efficacité. Si, en 1940, les autorités de Vichy ou d’Occupation avaient eu à leur disposition la vidéo-surveillance et la biométrie, combien de Juifs auraient réchappé ? Les résistants auraient-ils pu fabriquer tant de faux papiers avec le passeport biométrique et infalsifiable ? Ce n’est pas un hasard si la carte d’identité, outil de contrôle social par excellence, a été généralisée par Pétain. Comme la biométrie ou la vidéo-surveillance, elle jalonne le chemin vers une société totalitaire. Quand le gouvernement aura mis en place un fichier de police comportant les données biométriques de chaque personne n’ayant rien à se reprocher, quand tous les garçons de café seront équipés de puces biométriques GPS, quand des caméras permettront de reconnaître et de tracer chaque individu, quelle possibilité de résistance restera-t-il face à des décisions injustes ou contraires à la dignité humaine ? Comment pourras-tu réagir lorsqu’une nouvelle catégorie de personnes, fichées et encartées, sera stigmatisée ? Comment pourras-tu désobéir à des lois que tu jugeras liberticides ? Comment pourras-tu exercer un contre-pouvoir à la toute-puissance de l’État et des entreprises ? Sauras-tu encore réagir ? Sauras-tu encore désobéir après tant d’années où tu auras cousu toi-même ton étoile électronique ?

2 commentaires:

  1. Bonjour, une petite précision concernant la société BLUE EYE VIDEO.
    Depuis 2006, cette société a complètement changé de stratégie (suite au changement de direction) et est consacrée à l'amélioration de l'experience du passager pour le transport. Une technologie spécifique d'analyse de forme de file d'attente (anonyme, sans identification...) permet de connaître et prédire le temps d'attente dans les aéroports par exemple. Les aéroports de Washington utilisent la solution de BLUE EYE VIDEO pour améliorer l'accueil des passagers. L'objectif est de ne plus attendre dans les transports et de voyager sereinement. (source : www.blueeyevideo.com)

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  2. La nouvelle technologie pour renforcer la sécurité ;) Merci pour l'article c'est très intéressant !

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