Proposition de synthèse de la conférence :
De Terra Amata au briquet au gaz,
380.000 ans d’histoire de la production du feu
Par Bertrand Roussel, Docteur en préhistoire & directeur des collections de Terra Amata
A l’occasion des
conférences de Mémoires Millénaires, voici une synthèse de 400.000 ans d’histoire, depuis les foyers de Terra Amata à nos jours.
En effet, la conquête du feu fût un élément crucial pour le développement de l’humanité.
L’élément du feu permet à l’homme de se distinguer de la nature :
- Avoir de la lumière et changer de rythme, choisir ses moments de veille et de sommeils.
- Occuper des zones trop froides pour une vie sans chauffage : occupations des territoires nordiques.
- Cuisson de la nourriture : manger des aliments non comestibles sans cuisson.
- Changer la nature de matières (céramique, métallurgie…).
- Apports culturels : l’habitat se structure autour du foyer (visible à Terra Amata) et des cultures matérielles émergent (mythes, langages, traditions culturelles).
Les 1ers foyers découverts dans le monde sont vieux de 400.000 ans.
Le feu pouvait être « récupéré » (orages, éruptions, feux naturels permanents) mais aucun indice archéologie ne permet de certifier cette hypothèse.
Le feu peut être fabriqué, et l’ethnologie montre diverses techniques :
- par « friction longitudinale » (comme actuellement en Polynésie)
- par « friction transversale » (sciage)
- par courroie (actuellement chez les papous de Papouasie Nouvelle-Guinée)
- friction par rotation (forêt à main ou forêt à archet comme chez les esquimaux, ou encore avec un forêt à volant, comme chez les Iroquois)
Les traces archéologiques laissées par ces techniques sont très réduites ! Le corpus d’objets disponibles pour l’ensemble de sites préhistoriques est pauvre. Au néolithique, on a découvert quelques éléments pouvant servir au feu. Ce matériel est très présent dans les contextes de sites lacustres, car la conservation est optimisée.
Quels matériaux faut-il pour allumer le feu ?
On pourrait supposer que le forêt doit être en bois dur et la planchette, en bois tendre. Certains textes anciens voir religieux affirment cette idée, en sexualisant la pensée en comparant le forêt à l’homme, la planchette support à la femme, et le feu à l’enfant.
Il faut savoir que pour produire le feu, 2 bois identiques fonctionnent très bien, surtout le couple dur-dur.
A propos des « pierres de feu », le mythe, la réalité :
La percussion de 2 silex ne permet pas de faire du feu. Aucun groupe ethnique ne le fait, aujourd’hui.
Le problème est pratique : la percussion de 2 silex (ou roches dures) produit un flash lumineux (peu chaud), insuffisant pour embraser quoi que ce soit. De plus, impossible de placer quelque chose à enflammer puisqu’il faut qu’il y ai percussion entre les 2 roches.
Par contre, les sulfures de fer permettent une réaction exothermique, avec une étincelle très chaude (900°). Des groupes ethniques utilisent toujours cette méthode.
Le but de la manœuvre est d’obtenir une étincelle chaude, et de la faire tomber sur un corps facilement inflammable, comme l’amadouvier.
Ce champignon de texture dure et ligneuse, semblable à la langue de bœuf, se trouve dans diverses régions (dont PACA).
Les traces archéologiques laissées par ces méthodes sont des sulfures de fer (objet métallique) avec traces de percussions.
Ces indices archéologiques furent datés, et les plus anciens correspondent à l’époque de la grotte Chauvet (-32000).
Durant le néolithique et dans le contexte lacustre de Charavines, on a découvert d’autres sulfures de fer et de l’amadou.
Ötzi, l’homme découvert dans un glacier italien et vieux de 5200 ans avant JC, livre des informations cruciales notamment sur la méthode d’allumage de feu. Il transportait un morceau d’amadou qui contenait des particules de sulfure de fer.
Cela démontre bien que la méthode de percussion d’un éclat de roche dure, comme le silex, sur un morceau métallique contenant des sulfures de fer, était connue et employée durant la préhistoire.
Cette technique a peu évoluée. En effet, depuis -500 jusqu’à la guerre de 14, on a utilisé principalement pour produire du feu, un briquet à silex. L’étincelle tombait sur un morceau d’amadou, et une flamme se formait.
Avant le 17°, on parle de « fusil » ou « foisil » pour évoquer un briquet. Aujourd’hui le mot briquet vient du néerlandais « brik », littéralement « petit morceau » parce que le morceau métallique sur lequel on frappait la pierre était petit ?
Peu après l’invention du fusil, l’extension de la technique permit de fabriquer une arme qui remplaça les mousquets.
Quelques généralités dans le feu de l’action :
Chez Arcimboldo, une allégorie du feu comprend des briquets, amadous, silex, et…allumettes.
Les romains connaissaient le souffre, et l’exploitaient pour allumer le feu, en complément.
Plutôt que d’atteindre que l’étincelle sur l’amadou produise une flammèche, on pouvait déposer l’étincelle sur un morceau de souffre et obtenir rapidement une flamme.
D’autres méthodes pour faire du feu existent : les briquets solaires (supposés durant le siège de Syracuse (-215).
Le briquet pneumatique est un cylindre creux, dans lequel on enfonce vigoureusement un bâton de diamètre calibré pour entrer dans le trou en compressant le volume d’air. Un morceau d’amadou est placé à l’extrémité du bâton. La compression crée une chaleur (comme quand on gonfle le pneu de voiture) et enflamme l’amadou.