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Graffites et signatures sur ceramiques modernes - description et analyse d'un corpus originaire de la rade de Villefranche sur Mer

Dossier d'étude PDF téléchargeable sur ce lien
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A l’occasion de l’exposition « Trésors d’épaves » présentée au musée de la Préhistoire de Menton, une ébauche d’étude de graffites a été réalisée. Cet article synthétise la démarche et ses résultats.

Summary :
The « Wrecks’ Treasures » exhibition, currently hold at the Menton’s Museum of Prehistory, displays a first study of graffitis found by local submarine archeologists.
This article summarizes their approach and their first results.
The “fisherman graffiti” illustrates the study’s rationale. Actually, among the archeological materials discovered on the « Deux-Rubes » submarine site, several ceramic pieces featured graffitis.
These graffiti will bring a new insight on the findings of “Deux Rubes” site, e.g. on the habits of the people who sailed and traded there.
The “fisherman’s graffiti” is quite a good example of how it is difficult to analyze and to interpret the graffiti: one can perceive a representation and a meaning mainly yielded by subjectivity. That is why it is so important to keep in mind the actual situation of these artifacts’ users and manufacturers. Their context was made of technical and social standards and values, they lived in economical, religious beliefs and military situations of which the little we know has to be taken into account.
Such a contextualized knowledge enables us to highlight the social, economical and religious aspects of the “Deux Rubes” site, when it comes to analyze our findings.


Le « graffite du pêcheur », illustré sur la page précédente, expose l’étude et la problématique évoquée dans ce dossier. En effet, parmi le matériel archéologique découvert durant les prospections archéologiques sur le gisement des « deux-rubes » un certain nombre de céramiques étaient ornées de graffites.
On se demande alors si l’étude et l’éventuelle interprétation de ces graffites permet de mieux comprendre le gisement des deux-rubes et les navigateurs qui l’ont fréquenté.
Le graffite du pêcheur illustre bien le problème et le danger de l’interpretation des graffites : On peut y voir une représentation et un sens particulier mais il faut garder à l’esprit que la personne qui a gravé ce graffite vivait dans une époque avec des normes, des valeurs, une situation économique, militaire, religieuse (etc…) dont on ignore une grande partie.
Néanmoins on suppose que l’étude des graffites permet d’approcher le site des deux-rubes sous des aspects sociaux, économiques ou religieux notamment.

  • Introduction au graffite :


La découverte de matériel archéologique est le point de départ d’une étude globale visant à restituer l’Homme et son quotidien à un moment passé.
Après l’étape de collecte du matériel archéologique (« acquisition de données »), les archéologues doivent effectuer un travail de relevé et d’analyse afin de dégager un maximum de renseignements.

La présence de graffites est un indice qui permet d’approcher diverses problématiques scientifiques et de mieux percevoir l’histoire des sociétés qui nous ont précédées.


1. Définition de graffite :

Etymologiquement « graffite » vient du grec ancien, γράφειν (graphein), qui signifie « écrire ». En Français on connaît divers mots formés sur la racine « graphie » (calligraphie, orthographe, monographie...). La langue italienne s’est servie de cette racine pour appeler graffito et graffiti au pluriel les dessins ou lettres réalisées sur divers supports.
Les techniques employées pour réaliser un graffiti sont le plus souvent la gravure et la rayure, mais il existe aussi des griffonnages ou peintures.

Les graffites peuvent être réalisés sur divers objets (vases ou céramiques diverses, outils ou « accessoires » comme pipes, cuillers…). Ils peuvent également se trouver sur des éléments de construction (briques, tuiles, enduits, pierres de taille...).
Pour le cas de céramiques on remarque que le graffite peut être réalisé au moment où le support est encore en fabrication (avant le passage au four) ou après fabrication c'est-à-dire durant l’utilisation.

Les graffites appartiennent au groupe des inscriptions mineures, soit toutes les inscriptions présentes sur les « instrumentum », (objets domestiques et artisanaux).


2. Pourquoi étudier les graffites ?

Par définition ces inscriptions se trouvent sur des supports qui ne sont pas prévus pour les recevoir. Ainsi ils témoignent principalement de la vie quotidienne d’une population. C’est un apport fondamental à l’Histoire puisque généralement la vie quotidienne et la société sont des aspects méconnus.
Enfin on suppose que l’étude des graffites permet d’approcher divers aspects tels que :
- la date de fabrication,
- le lieu de fabrication,
- la valeur (sentimentale, pécuniaire) attribuée à l’objet,
- le propriétaire de l’objet et/ou son fabricant,
- le contexte social et technologique dans lequel on a utilisé l’objet.


3. Les graffites et les hommes :

Indépendamment des civilisations antiques méditerranéennes, l’existence des graffites est attestée à divers endroits du monde, sur des datations très variables.

Chez les civilisations proto-arabiques dites « safaïtiques » qui vivaient dans les régions actuelles de Syrie du Sud, à l’Est de la Jordanie et au Nord de l’Arabie Saoudite, chez les Mayas et dans le monde Viking par exemple l’emploi de graffites est attesté par les sources archéologiques.


4. A quoi servaient les graffites ?

La réalisation de graffite sur un objet était un acte réfléchi, utile et significatif même si ce travail pouvait ne prendre que peu de temps. Attention toutefois certains graffites soignés pouvaient nécessiter beaucoup de travail.
D’après Richard Sylvestre chaque graffite devait répondre à l’une des 7 fonctions ici proposées :
- servir de marque de propriété (signatures)
- indiquer le contenu du récipient
- servir « d’ardoise » pour des comptes, inventaires, listes
- contenir un message bachique
- contenir un message érotique
- contenir un message religieux
- diffuser un message publicitaire, un juron, une moquerie…

  • Les graffites de la rade de Villefranche sur Mer :

1. Les supports :

Les céramiques sont présentées dans l’ouvrage de référence Vingt-mille pots sous les mers, description page 82, illustration n°183 page 84.
Il s'agit de coupes et bols monochromes à décor incisés dits « a stecca », qui apparaissent dans la 2nde moitié du XVIIème siècle. Ils sont originaires des ateliers de la péninsule italique (au moment où les fabrications espagnoles diminuent).
La face intérieure des bols est vernissée dans des tons rouges, jaunes ou verts alors que la paroi externe est souvent laissée brute.
Autour du centre sont réalisés des enlèvements profonds en forme de roue, parfois encadrés par des arcs de cercle au niveau de la lèvre.
Sur ce type de céramiques on remarque fréquemment la présence de graffites.

Cette étude se base sur un corpus composé de 49 pièces.
Les graffites sont généralement localisés sur la face externe, au niveau du pied, plus rarement sur la panse. La technique vraisemblablement employée est une incision après cuisson (réalisée à la pointe sèche type couteau).
Certains modules possèdent plusieurs graffites. On suppose également que certains ont étés modifiés (incisions postérieures, par-dessus l’ancien graffite : exemple probable des graffites n°31, 37 et peut-être du numéro 18).

Ces pièces ont été découvertes sur le gisement dit de la « Batterie des deux-rubes », en rade de Villefranche sur-mer, au cours d’opérations de prospections archéologiques en 2006 et 2007 dirigées par Eric Dulière, président de l’association « Anao l’Aventure sous-marine ».
Ce document n’a pas pour finalité d’étudier le gisement ou le contexte archéologique de découverte.


2. Démarche d’étude :

Pour faciliter l’étude et la diffusion de chaque graffite, l’ensemble du corpus a été dessiné sous Illustrator. Ces dessins ne sont pas les relevés des graffites, il s’agit de croquis dont les proportions peuvent différer légèrement de l’original. L’objectif de ce croquis étant de restituer le plus fidèlement possible la forme générale du graffite.
Pour étudier ce corpus, un classement typologique a été réalisé. La principale difficulté est de parvenir à distinguer ce corpus en grandes familles avec le maximum d’objectivité.
On part de l’hypothèse qu’une typologie des graffites regroupant les formes suivant des critères généraux et objectifs permettrait éventuellement d’entrevoir chaque type de graffite dans des perspectives sociales, économiques, spirituelles...

En premier lieu on a distingué le type général de graffite à savoir :
Les graffites de « Lettres » ; ceux de « Chiffres », les « Représentations » et les « Symboles ».
Pour les 2 premières catégories la distinction est simple :

• La catégorie des « Lettres » (cf. Planche 1) rassemble tous les graffites pour lesquels on reconnaît immédiatement des lettres, quelque soit l’alphabet employé alors.
o On subdivise cet ensemble avec des « Initiales » : il s’agit de quelques lettres non attachées, en majuscules et souvent séparées entre-elles par une marque (point, étoile…).
o L’autre sous-famille regroupe simplement toutes les inscriptions qui ne sont pas des perçues comme initiales.

• Pour les « Chiffres »(cf. Planche 2), on distingue en premier lieu :
o Les « Chiffres arabes »,
o Les « Chiffres romains ».
o Une troisième sous-famille regroupe les graffites assimilés à des systèmes de comptabilité. En effet, on remarque que certains graffites semblent servir à compter : il s’agit le plus souvent de rectangles qui sont en partie subdivisés. On suppose que les hommes traçaient progressivement de petits carrés à l’intérieur d’autres, pour comptabiliser (jours, ports, quantité de produits…). Cette hypothèse est bien entendu très subjective et doit être étudiée et comparée (cf. graffites numéros 3 ; 31 ; 37 ; 41 ; 45 ; 46).

Les catégories de « Représentations » (cf. Planche 3) et de « Symboles » (cf. Planche 4) :
Cette distinction est délicate. Il faut bien sûr rappeler que tout graffite est potentiellement un symbole. De plus une représentation, aussi banale soit-elle (une paire de ciseaux par exemple : graffite n°32) pourrait être une représentation symbolique dans la mesure où l’on ignore les contextes historique et sociaux de l’instant de sa réalisation.
Pour en revenir aux catégories de « Représentations » et de « Symboles » on part de l’hypothèse que tout graffite qui n’est ni un texte, ni un chiffre, entre dans la catégorie des « représentations ».

• On remarque que certains graffites ont manifestement une valeur ou un sens particulier : divin, porte-bonheur, protecteur…
Pour mettre en évidence cet aspect, la catégorie « Symboles » regroupe tous les graffites auquel on suppose ce type de fonction.

• Enfin la catégorie « Représentation » englobe tous les autres graffites. On distingue des représentations « Abstraites » (Il s’agit généralement de formes indéterminées, géométriques de type rectangles, triangles, lignes droites ou courbes, diabolos…) d’une représentation « Concrète » (une paire de ciseaux). On note que l’on ne perçoit pas immédiatement de valeur symbolique à ces graffites.


3. Analyse des résultats :

• La domination des « Représentations » :
On remarque la domination de la catégorie des « Représentations » (24 graffites), et en sous-catégorie les « Représentations abstraites ».
Ce résultat est problématique dans la mesure où tous les graffites qui a priori n’avaient pas de signification particulière ont étés intégrés à ce rang. Il s’agit de signes tracés rapidement. On remarque une répétition dans la thématique (lignes obliques, droites, chevrons, diabolos…).
Si l’identification/interprétation est délicate Lucy Vallauri, ingénieur de recherche au LAMM suggère qu’une certaine proportion de ces graffites soit des « marques d'appropriation des vaisselles sur le bateau ». « Ce phénomène est fréquent sur différentes catégories de matériel (bols, écuelles, marmites...) utilisées au sein d'une communauté, par exemple au XIVe s; sur la vaisselle du Couvent de Notre Dame de Nazareth à Aix-en-Provence, à Avignon sur des chopes du 15e s, en Corse sur les vaisselles italiennes du XVes, de l'Ortolo, à Digne (Notre-Dame du Bourg) sur les bols des chanoines au XVIe s. par exemple. Donc il semble envisageable d'en retrouver sur les bateaux ».

• L’égalité entre les Lettres et les Symboles :
Les graffites de « Lettres » sont autant présents que les graffites de « Symboles ».
Si les premiers peuvent évoquer une personne physique (on note qu’ils peuvent contenir un message à fonction symbolique type I.H.S. mais qu’elle n’a pas été décelée), les seconds auraient une fonction symbolique plus élaborée.
Aux « Lettres » on peut également attribuer une fonction de « marque d’appropriation de vaisselles » pour des marins lettrés. On peut supposer un message plus élaboré (instruction, information sur le contenu…) dans certaines inscriptions non-déchiffrées pour l’instant.
La fonction symbolique a été proposée pour plusieurs graffites :
On reconnaît des étoiles et des croix. Seul un motif supplémentaire, un aigle bicéphale a été perçu comme symbole.
Les étoiles pourraient rappeler une rose des vents ou l’astronomie. Les croix, généralement pâtées ou gemmées sous-entendraient une fonction religieuse. De plus leur type est présent chez certaines confréries dont l’ordre de Malte.

• Les chiffres :
On suppose que la présence de chiffres sur certains modules sont la trace de comptabilité marchande. Peut-être qu’on inscrivait sur l’un des bols le nombre de bols dans la caisse ?
Dans tous les cas on écarte la fonction symbolique (pas de nombre 3 : le père, le fils et le St esprit, pas de nombre 12 : les 12 apôtres). On suppose également que les chiffres n’étaient pas des marques d’appropriation de vaisselle.
On note que dans la catégorie des chiffres, la quasi-totalité n’est pas des chiffres attestés. On ne fait que supposer une fonction de comptabilité. Cela semble envisageable dans la mesure où il semble que les incisions qui composent chaque graffite ne semblent pas être contemporains entre-eux et qu’un espace semble réservé, prévu pour ajouter d’autres incisions.
De plus, on utilise encore aujourd’hui un système de numération similaire (avec des barres et des carrés) quand on compte quelque chose qui n’est « pas arrêté » et que l’espace d’écriture ne s’efface pas ou est limité.


  • Conclusion :

Cette approche des graffites découverts sur le corpus constitué n’est pas complète.
Il ne s’agit que de mettre en évidence la richesse et la diversité de ces graffites. Pour mieux saisir ces aspects et éventuellement approcher une signification (économique, symbolique, culturelle…) il serait nécessaire d’étudier ces graffites dans le cadre d’un travail plus intensif.

L’étude doit s’affranchir de toute subjectivité. S’il est tentant de voir dans un graffite une représentation quelconque, il faut garder à l’esprit que le contexte de réalisation (culture, économie, perception du milieu maritime, religion, guerres et tensions…) nous est quasi-inconnu. Aussi les interprétations et résultats avancés dans cette étude doivent être entendus comme hypothèses.
Dans cette perspective il faut retenir que ces graffites avaient probablement pour fonction principale l’appropriation de la vaisselle de bord.
Cette appropriation se faisait soit par des personnes lettrées, qui signaient « leur bol » par des lettres, soit par des personnes illettrées qui marquaient alors un signe convenu.
On note qu’un certain nombre de graffites ne sont pas déchiffrés. Cette étude à mener permettrait de connaître l’origine géographique de ces membres d’équipage (Laurence Mercuri, Professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis et rattachée au laboratoire CEPAM propose éventuellement du « copte » ou un cyrillique type Balkans. Enfin certaines marques seraient comparables aux graffites arabes découverts sur l’épave sarrasine du Bataiguier).

Les graffites de comptabilité sont supposés comme tel. Il convient de rester extrêmement prudent car très peu d’éléments indiquent cette démarche de comptabilité. C’est toutefois possible dans la mesure où des personnes analphabètes sont identifiées parmi l’équipage : la comptabilité aurait pu être simplifiée par un système de « carrés barrés ».

Enfin la symbolique de certains graffites semble s’afficher objectivement, surtout avec les croix latines et les étoiles.
Il s’agirait alors pour le premier cas d’affirmer sa foi et de chercher protection, dans le second cas les hypothèses sont multiples. (Navigation, vents, orientation, bonne fortune…)

Enfin la compréhension de ces graffites nécessite des comparaisons avec des corpus existants et la poursuite des recherches de graffites sur la zone de découverte (batterie des deux-rubes) afin de constituer un échantillonnage le plus représentatif possible.


Bibliographie :

- GUSKI, 2005 :
GUSKI Simone « L’expression par les graffitis », Pour la science, août 2005, 40 à 43.

- SYLVESTRE, 2004 :
SYLVETRE Richard « Les graffiti sur céramique de la villa d’Orbe-Boscéaz », Chronozones, octobre 2004, 4 à 9.

- FRAENKEL, 1992 :
FRAENKEL Béatrice, La Signature, genèse d’un signe, Saint-Amand, 1992.

- Collectif : AMOURIC, RICHEZ, VALLAURI, 1999 :
AMOURIC Henri, RICHEZ Florence et VALLAURI Lucy, Vingt-mille pots sous les mers, Aix-en-Provence, 1999.

- Sur internet : Wikipedia, article "graffiti"


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Nb : les croquis ne sont pas à l'échelle.































La mécanique d'Anticythere, synthese de la conférence d'Eric Zurcher (IPAAM)

La mécanique d'Anticythère et ses implications dans le cadre de l'astronomie antique

Par Eric Zurcher – IPAAM :



La mécanique d'Anticythère, ou "machine" d'Anticythère est actuellement conservée au musée d'Athènes.

La conférence d'Eric Zurcher est une synthèse de son travail de mémoire, lui-même ayant débouché sur une publication.



I. Introduction et Historiographie :

L’histoire de la mécanique d’Anticythère débute à Pâques 1900. Un équipage de pêcheurs d’éponges fuit un coup de vent et se déroute sur l’île d’Anticythère, située entre la Crête et le Péloponnèse.

Les plongeurs apnéistes consacrent quelques jours à chercher des éponges sur les rivages de l’île, le temps que la météo s’améliore. Ils découvrent alors une grande épave (près de 100 mètres de long !) par 40 mètres de fond.

Cette épave contenait notamment plusieurs statues de bronze creux (dont le fameux « éphèbe d’Anticythère), artefact archéologique extrêmement rare. De retour en Grèce, l’équipage déclare la découverte et le musée d’Athènes s’empresse d’envoyer une équipe.

La fouille est particulièrement longue et coûteuse. Plusieurs accidents ont lieu dont un mortel. Une statue de marbre représentant un cheval aurait été perdue durant sa remontée.

Aujourd’hui, au vu de la cargaison on suppose que le navire était romain, qu’il avait fait escale à Rhodes et qu’il venait des régions d’Asie mineure (peut-être de Pergame car on a retrouvé un lot de monnaies originaires de cette cité).

Le naufrage est daté de 85 avant J.C., soit durant les guerres de Mithridate.

Parmi la cargaison se trouve un objet particulier. Quand la gangue formée autour éclata on découvrit divers engrenages et mécanismes.

Ceci attira l’attention du conservateur du musée d’Athènes, qui rédigea le 1er article en supposant alors la découverte d’un astrolabe, puis l’objet fut oublié dans les réserves.

Il faut attendre 1955 pour qu’un universitaire anglais, Derek de Solla Price s’intéresse à l’objet (et y consacra le reste de sa vie).

En 58 puis 59 il publia 2 articles majeurs à partir d’une radiographie de la machine, qui livra une mécanique composée de 32 rouages.

Cette étude est la base de travail et de réflexion des recherches actuelles.

En 1980, internet permet d’intensifier la réflexion autour de l’objet.

4 reconstitutions sont réalisées.

En 2000 l’étude de la mécanique rassemble environ 150 personnes à travers plusieurs universités. Les champs d’application de l’étude rapportée à la mécanique d’Anticythère vont de l’histoire aux mathématiques en passant par l’astronomie, la géométrie, l’épigraphie…

Cette étude fut rendue possible grâce à la subvention par H.P. d’un scanner rayon X capable de montrer l’intérieur des boîtiers sans démontage et avec une précision remarquable.



II. Description :

La mécanique d’Anticythère se présente sous la forme d’un livre (plusieurs volets couvrants la boite de forme parallélépipède rectangle c’est à dire comme une boite à chaussure).

Protégée d’une couverture de bronze, la première « page » semble être une introduction à l’astronomie. Puis la 1ère partie du mécanisme serait un calendrier basé sur le système Egyptien (365 jours pour une année).

D’autres rouages et systèmes de rails à aiguilles indiqueraient les cycles lunaires, solaires, les éclipses, les vents.

La description de la machine nécessite de rappeler par quelles évolutions la diffusion du savoir matière d’astronomie a eu lieu en Grèce antique.


  • Dans un premier temps, vers le VI° siècle avant J.C. :

Apparition d’une vision astronomique où s’imbriquent les mathématiques, la géométrie, la logique… Ainsi se développe une vision du cosmos perçu comme « une machine avec des phénomènes qui se reproduisent à intervalle régulier » (cf. les « phénomènes » de Platon).

Ceci permet donc de prévoir et de calculer les phénomènes comme les éclipses et les constellations. Cette théorie est admise par tous dans le monde hellénistique à l’époque classique.

Toutefois les savants antiques notent que certaines données infimes (1%) ne correspondent pas au modèle proposé : le phénomène en contradiction avec la théorie admise est appelé « la sphère des fixes ». C’est la constatation que certains astres (planètes) ne tournent pas autour de la terre : « on les voit ralentir, s’arrêter et repartir dans l’autre sens ». On parle de « rétrogradation ». Ce phénomène pose problème aux savants grecs. Pour le résoudre, l’un deux, Aristarque de Samos (310-230 avant J.C.) propose pour la première fois le modèle héliocentrique.

Cette théorie provoque un débat entre les astronomes, qui réfutent l’hypothèse en justifiant que les parallaxes des autres astres ne sont pas visibles. (Bien sûr à l’époque les scientifiques ne disposaient pas de systèmes d’observation assez puissants. De plus les hommes n’avaient aucune notion des distances spatiales).

Apollonius de Pergé (262-190 avant J.C.) propose à son tour un nouveau modèle « épicycle » qui conserve la terre au centre du système solaire et explique la trajectoire particulière des planètes.

L’un des derniers astronomes grecs, Ptolémée synthétise ces théories et place définitivement la terre au centre du système solaire, théorie qui perdura jusqu’au XVème siècle.


  • Par la suite vers le V° :

Le calendrier grec est basé sur la « mécanique cosmologique ». Comme l’année est composée de 365 jours, pour pallier au ¼ de jour manquant un magistrat est spécialement affecté à intégrer parfois 1 mois supplémentaire à l’année. C’est un système « uni solaire ».

Puis le calendrier Egyptien est adopté. Cela permet à Méton de proposer une hypothèse basée sur un cycle de 235 mois synodiques lunaires (soit 19 années tropiques à quelques heures près !). Ce « cycle de Méton », proposé vers -432 serait l’une des bases de fonctionnement de la mécanique d’Anticythère.

Cette formule mathématique relativement complexe révolutionna le savoir astronomique grec et fut gravée sur l’Agora d’Athènes.



III. Technique, mécanique :

Les indices sont nombreux, pas les sources !
Pour les anciens, la "Mécanique" vient de la "technologie". Techné était l’une des épouses de Zeus.
Il-y-a 2 concepts en matière de mécanique :
  • L’ingéniosité mentale : c’est la réflexion qui permet d’élaborer un système, en projection mentale.
  • Le savoir-faire : l’art de matérialiser la réflexion mentale.

Pour les grecs le triomphe de la technologie est l’élément permettant d’affirmer l’homme au-dessus de la nature.

Les sources affirment qu’Archimède de Syracuse (287-212 avant J.C.) construit une mécanique complexe avec des mouvements : un planétarium. L’innovation réside dans un système de redistribution du mouvement appelé « différentiel ». Cette invention déterminante et plus ou moins oubliée dans l’histoire jusqu’à Léonard de Vinci fût incluse dans la mécanique d’Anticythère.

Rhodes était l’un des centres du savoir en méditerranée, avec Alexandrie et Pergame. Cette île indépendante était réputée pour son savoir-faire technologique (charpenterie navale, architecture) et scientifique (mathématiques, astronomie). Hipparque y avait calculé la vitesse de la lune en 180 avant J.C. Cette connaissance a été intégrée à la machine découverte à Anticythère.

Poseidonios (135-51 avant J.C.) a été le maître de Pompé et de Sicéron. Ces derniers auraient assistés à l’utilisation d’un planétarium automatisé.



IV. Conclusion :

En acquérant ce type de machine, tout aristocrate romain s'assurait une assise et une notoriété sociale exceptionnelle. Par conséquent il est possible que cette mécanique soit le produit d'une commande. Mais il semble plus probable qu’elle soit, au même titre que la cargaison, le butin d’un pillage après une victoire militaire.

A l’origine la machine pourrait venir de Syracuse. Son fabriquant serait alors un astronome de génie, entouré d'artisans expérimentés.

Au niveau de la machine, elle donnait la date, le mouvement du ciel mais aussi la direction des vents, leur intensité, leur période (on a longtemps assimilé certains vents à certaines phases lunaires). Enfin la machine était indexée suivant le calendrier olympique grec.


Le savoir et la science ne sont pas des domaines propres à nos siècles. La mécanique d’Anticythère le démontre : les hommes se sont rapidement posés des questionnements importants en matière d’astronomie notamment. Les civilisations qui nous ont précédées ont acquis un certain degré de savoir, avec des moyens limités. Si ce savoir n’est pas forcément quantifiable il est important de ne pas le sous-estimer puisque la mécanique d’Anticythère est un objet unique qui démontre l’étendue de la connaissance grecque en matière d’astronomie, de mathématique, de géométrie, d’artisanat et de raffinement culturel.

L’appareil actuellement étudié a livré de nouveaux textes qui devraient être publiés prochainement.

Préparation de l'expo Tresors d'epaves du musee de Pre-histoire

Samedi 20 septembre sera inaugurée l'exposition
"Trésors d'Epaves" au musée de la préhistoire de Menton.


Cette exposition gratuite rassemble les découvertes de l'association d'archéologie sous-marine "Anao - l'aventure sous-marine".

Voici en avant-première quelques clichés des installations :





Le mobilier archéologique provient majoritairement de la rade de Villefranche sur Mer.
De ces témoignages de la fréquentation de nos côtes depuis l'antiquité, l'accent est mis sur la présentation esthétique et l'aspect muséologique de l'exposition.

C'est donc un rendez-vous avec la mer et ses traditions, les couleurs, et les traces d'un passé résolument méditerranéen qui est donné durant une année au musée de Menton.