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Prospections archéologiques en baie de Saint-Florent

Photo Corse-Matin

L'association SEAS basée à St Florent travaille depuis 2005 dans un programme de prospection archéologique sous-marine le long des côtes de Corse occidentale.
Cette année la campagne s'est consacrée à l'étude d'épaves, sur le site de la Mortella. L'étude de ces épaves espagnoles rappelent la Lomellina, nave genoise coulée en rade de Villefranche en 1516.

Photo Corse-Matin

Corse-Matin consacre un article :


Depuis l'Antiquité, la Corse est une île convoitée en raison de sa position centrale et stratégique en Méditerranée occidentale. La baie de Saint-Florent a joué le rôle d'une porte ouverte sur le monde méditerranéen, elle a été un lieu d'échanges culturels et commerciaux et le théâtre d'affrontements entre les grandes nations européennes », raconte Arnaud Cazenave de la Roche, qui s'est fixé pour objectif de recenser les épaves et vestiges archéologiques sous-marins à travers un programme de prospection archéologique initié en 2005 (1). L'archéologue et son équipe ont réalisé dernièrement une campagne de fouilles sur le site de la Mortella, qui recèlerait en ses fonds marins deux galions espagnols du XVIe siècle. Les épaves de cette période sont rares. Pas plus d'une dizaine a été recensée dans le monde.


L'intérêt scientifique de ces épaves a amené la SEAS (Société d'études en archéologie subaquatique basée à Oletta) dirigée par Arnaud Cazenave de la Roche à organiser une fouille sur l'un des deux sites localisés (Mortella III) malgré le fait que celui-ci ait été pillé au cours des années passées. Sa moindre profondeur que le premier site (Mortella II) a déterminé le lancement d'une première fouille.

Équipe internationale

Cette opération qui s'est déroulée du 6 septembre au 15 octobre dernier a impliqué une équipe pluridisciplinaire d'une trentaine de personnes (archéologues, scientifiques, étudiants et plongeurs professionnels). Il s'agissait de déterminer si la présence de deux tumulus sur Mortella III marquait la coexistence d'une seconde épave. Il était prévu aussi d'entreprendre l'étude architecturale de la première épave et de tenter de préciser son origine. Une telle opération a nécessité un budget de 180 000 euros.

L'un des événements importants de la mission a été la mise au jour de l'emplanture du grand mât, une structure en bois qui a très rarement été étudiée sur cette période. « L'hiloire, une structure en bois rectangulaire qui entoure l'emplanture est parsemée de pièces de bois enchevêtrées qui portent d'importantes traces de calcination. Initialement, nous ne pouvions nous expliquer la présence de bois brûlé à cœur de ce niveau d'épave. Mais rapidement, nous avons réalisé que ces pièces provenaient de l'effondrement des parties supérieures du navire dû à l'incendie qui s'y était déclaré. Des parallèles intéressants ont été établis entre les structures découvertes et celles de la Lomellina », explique Arnaud Cazenave de la Roche.

Le puzzle s'est complété avec la découverte d'une pompe de cale. Il s'agit d'une pièce d'un grand intérêt scientifique : « A notre connaissance, seule l'épave de la Mary-Rose (1545), celle de Red Bay (1565) et celle de la Lomellina (1516) ont permis la mise au jour de ce type de mobilier. » La présence d'une telle pièce est très rare sur une épave de cette époque compte tenu de sa fragilité.

Le site de Mortella III présente une structure bifide avec la présence de deux tumulus qui correspondent à deux ensembles archéologiques bien distincts. « Le sondage sur le second tumulus du site a mis en évidence la présence de structures d'un navire avec, notamment, la présence de bordé, de planches qui constituent la coque d'un navire. Il paraît probable que nous avons là une seconde épave. Il s'agit d'une découverte importante. Il semble en effet pratiquement impossible que ces structures puissent provenir de l'épave du tumulus A dont la carène nous est apparue intègre. À l'occasion de la prochaine fouille, une des priorités sera la fouille du tumulus B pour en savoir plus sur l'embarcation qu'il recouvre. »

Analyse scientifique

L'étude scientifique sur laquelle vont s'appuyer les archéologues pour déterminer l'origine des épaves est la dendrochronologie. « C'est une analyse des cernes de croissance d'échantillons de bois prélevés sur des parties de la charpente du navire. » Il s'agit de retrouver « la période durant laquelle les arbres dont sont issus ces échantillons ont poussé en étudiant les largeurs de leurs cernes de croissance et retrouver ainsi la date de leur abattage. Elle permet aussi de préciser l'origine géographique des arbres avec lesquels le navire a été construit. Marta Dominguez, une dendrochronologue espagnole, nous remettra ses conclusions en 2011. »
Un peu de céramique et de verre a été mis au jour, mais cela représente peu de choses au regard de la taille du bâtiment. Cependant, les structures de la coque étant profondément enfouies, l'archéologue suppose que des objets ont pu être conservés dans les niveaux inférieurs.
Des céramiques génoises ont été découvertes ainsi que d'autres, d'origine provençale, mais cela ne permet pas aux archéologues de tirer des conclusions probantes sur l'origine des épaves : « La céramique génoise ne contredit pas l'hypothèse que nous ayons affaire à des navires de la flotte espagnole coulés au cours d'un combat naval avec la flotte française en décembre 1555, au contraire, car à cette époque l'Espagne est alliée à Gênes. Il est même bien possible qu'une partie de la flotte espagnole ait été composée de navires génois. »
À l'issue de cette première campagne, Arnaud Cazenave de La Roche dresse un bilan plutôt encourageant. La rareté du mobilier a été compensée par la bonne conservation et l'intérêt des vestiges architecturaux dont l'étude s'annonce prometteuse pour l'architecture navale d'une période qui reste encore mal connue. Un long et passionnant travail d'analyse commence pour les archéologues qui tentent de mieux comprendre comment on naviguait et comment étaient construits ces grands vaisseaux de la Renaissance qui gardent encore bien des secrets.

1 - Ce programme a été financé par l'Europe (Programme Leader +), par le Ministère de la Culture (DRASSM), par la CTC et le Conseil Général de la Haute-Corse.

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