Synthèse de la conférence "Lou Sourgentin" : Corse, Nice et Gênes : regards historiques sur la période médiévale
Voici une synthèse sur la conférence de ce jour tenue par les membres de la revue "Lou Sourgentin".
Cette conférence résume une étude triangulaire sur Nice et son comté, Gênes et sa Ligurie et la Corse entre les XIèmes et XVIIIème siècles.
Les intervenants évoquent surtout l'évolution des aspects diplomatiques, économiques et politiques entre ces 3 entités.
· La Corse et sa révolte contre Gênes :
Tout commence au XIIIème siècle, alors qu’éclate une révolte en Corse animée par un personnage, Sambucucciu d'Alando. Leader d’une révolte populaire, il est reçu en personne par le Doge de Gênes. Ce dernier est inquiet par la tournure des évènements puisque les petits seigneurs féodaux ont rejoint la révolte au côté du peuple et des bergers.
Cette insurrection populaire stoppe l’expansion du système féodal, dès le XIIIème siècle en Corse.
Toutefois il réapparaît dans le Sud et se maintient jusqu’à la fin du XVème début XVIème siècle : on appel la Terre des Seigneurs la Corse du Sud, alors que le Nord est la « Terre Commune ».
Notons que quand le système féodal s’effondre, il n’y a pas de basculement sur le système génois car le peuple n’est pas pro-gênois. Ce serait au contraire cette emprise et sa colonisation qui serait à l’origine de la révolte en Corse.
Du point de vue de la république de Gênes, la Corse représente certains avantages :
- Située sur une route commerciale
- Permet de sécuriser militairement un bassin
- Un réservoir avec les productions agricoles : blé, vin, olive, travail du cuir,… toutes ces ressources sont massivement exportées.
La vison de Gênes sur la Corse fait que « la greffe ne prend pas » : les Corses ne sont pas convaincus par les décisions et choix de la république.
Par conséquent l’île développe une résistance face à cette politique « pré-coloniale » :
La république génoise installe des colons sur l’île, en réponse à ses problèmes internes :
- Nuova Vintimiglia :
Une nouvelle Vintimille est fondée en Haute-Corse pour résoudre des problèmes de surpopulation et de famines sur le continent. Implicitement il s’agit aussi de mettre en valeur des terres en Corse.
- Une colonie grecque est fondée :
Sa présence crée des tensions avec les bergers des régions de Vico et Niolo. Par conséquent cette colonie déménage à Ajaccio, où elle bâtie la « Chapelle des Grecs ». Encore peu appréciée des autochtones, la communauté trouve enfin sa place à Cargèse au moment de la « pacification française » courant XVIIIème siècle.
La république génoise et la Corse, c’est finalement un rapport de dominants à dominés.
C’est aussi la prédominance du commerce, vitalité et succès de Gênes. Ce capitalisme dirigé par les Dôges, malgré des imperfections apperçues en Corse notamment illustre un modèle de réussite au moment où l’Europe change profondément dans ses structures politiques. La création d’état-nation, l’explosion du commerce et l’élan insufflé par les états de la péninsule italienne (Gênes, Pise, Venise) ou d’Europe du Nord (Pays-Bas) sont des éléments fondateurs vers une Europe moderne.
La discussion s’achève sur le personnage de Pascal Paoli : face à la quantité d’information que l’on pourrait donner, le locuteur tente de synthétiser certains aspects de ce personnage. Décrit comme hors du commun, méconnu en France, on le compare à Gandhi en Inde ou à un De Gaulle en France.
C’est l’homme qui a fait la révolution en Corse avant celle de France. Il a son buste dans l’abbaye de Westminster depuis qu’il a été pris en charge par la monarchie britannique, durant son exil.
C’est aussi un modèle aux USA, puisque 5 villes portent son nom. Enfin en Italie un grand nombre de rues ou places sont dédiées à sa mémoire et rappellent son souvenir.
On a fêté son bicentenaire il y a peu et une association Corse à Paris à fait la demande de baptiser Paoli une rue ou place. La mairie aurait répondu qu’elle ne connaissait pas de Paoli…
Dans les faits, Pascal Paoli aurait initié en 1750 une révolution, et 5 ans plus tard il aurait rédigé un préambule à une constitution, directement inspiré des pensées des lumières. Puis il se serait exilé en Angleterre jusqu’en 1789.
En Corse la révolution ne s’est pas faite contre le clergé : c’est une différence fondamentale avec la révolution française, et peut-être que l’attitude très pieuse encore conservée par les Corses découle de ce rapprochement peuple-clergé. En effet les religieux sont au côté de la population dès les premières révoltes anti-seigneuriales décrites au XIIIème siècle.
La Corse, cette île et cette montagne affiche son particularisme dès l’approche géographique puisque le littoral est par définition une zone d’interface et d’échanges alors que la montagne est plutôt une protection et un obstacle.
On conclue donc sur la notion d’un espace particulier qui a joué un rôle dans l’histoire de la méditerranée.
· Luc Thevenon, « Quand Nice était Génoise » :
Il s’agit là d’un titre provocateur puisque Nice historiquement n’a jamais été réellement génoise.
On étudie les aspects diplomatiques et politiques à Nice entre la 2nde moitié du XIIème siècle et la 1ère moitié du XIIIème siècle, alors que « les pouvoirs se cherchaient ».
Nice appartenait à la Provence. Elle était dans une région spécifique, la « Provence Orientale » : une région de confins, éloignée des centres décisionnels. On note qu’au XIIème siècle il n’y a pas encore de comte de Provence. Le pouvoir Provençal est alors basé à Toulouse.
Tirant parti de l’éloignement des centres de pouvoir et des lenteurs administratives, certaines villes développent des « zones d’influences », territoires qu’elles administrent et fédèrent un dynamisme démographique et économique source de richesse.
A Nice le bassin du Paillon par exemple permet ce phénomène.
La prise d’importance de certaines villes met au jour un désir d’autonomie et d’autogestion vis-à-vis de Toulouse. Pour cela ces villes s’organisent autour d’un système politique dit « communal » : au milieu du XIIème siècle apparaissent des « Consulats » en Provence Orientale.
Le Consulat est composé de dirigeants et personnalités de la ville, plus ou moins désignés par une partie de l’aristocratie locale. Ils sont entre 3 et 6 suivant la cité et pour le cas de Nice on en dénombre 4, dès 1160.
D’autres villes adoptent ce système, comme à Grasse ou Brignole. Les consuls sont ceux qui ont réussi à asseoir une domination économique et une popularité : ils sont armateurs, marchands, nobles…
En 1176, le comte de Provence Alfonse 1er d’Aragon sent l’éloignement de certaines villes. Il accepte alors de rédiger un accord qui confirme les privilèges revendiqués par Nice et son consulat, à savoir une forme d’autonomie moyennant une redevance.
Cette redevance est une transaction, établie à 25.000 sous génois : une forte somme pour l’époque, qui reflète la valeur commerciale de Nice. Cela reflète également la présence et l’influence de Gênes dans l’économie provençale.
Nice est une ville prospère grâce à son dynamisme commercial : de Pise à Barcelone Nice relaye les cargaisons et construit des navires.
Une chapelle dédiée à St Tropez, culte typiquement pisant est fondée à Nice vers la face Ouest de la colline du château. Cela illustre la qualité des rapports Niçois avec d’autres grands ports méditerranéens. La ville descend peu à peu depuis le plateau de la colline vers l’actuel vieux-Nice.
La ville est disputée entre l’influence gênoise à provençale :
Le niçois Giordan Riquier devient consul et est appelé à Gênes, au milieu du XIIème siècle. Il en revient avec le titre de Podestat de la République, soit le rôle d’un gouverneur. Ainsi on appréhende les rapports niçois-gênois qui, dès le milieu XIIème place Nice sous le regard de Gênes.
En 1205, le consulat Niçois rédige de nouveaux statuts qui s’inspirent directement des textes officiels gênois : l’organisation politique de Nice est influencée par Gênes. La république s’octroie un droit de regard très présent.
Mais le comte de Provence sentait bien que la ville lui échappait. Fin XIIème siècle, il oblige Nice à revenir sous domination provençale, en reconnaissant l’autorité du comte du Roussillon.
En 1212 un délégué niçois se rend à Gènes où il demande « l’Ost et Cavalcade » : un droit important puisqu’il signifie « donner la ville ». Gênes accepte et envoi à Nice Spinola, pour reconnaître une nationalité commune. Ce dernier, accompagné de quelques hommes investissent et détruisent le château comtal.
En 1215, le var est devenu la frontière entre Gênes et la Provence.
En quelques années, grâce à des accords et des transactions, Gênes s’est rapprochée de Nice. Ceci n’est pas du tout du goût du comte de Provence, Raymond Béranger V. Ce dernier lève une armée pour restaurer son autorité.
En effet Nice n’est pas une exception et certaines villes de Provence Orientales se sont installées dans une autonomie florissante (Grasse et Brignole).
Le comte de Provence projette alors de reconquérir cette portion de son territoire, dans un premier temps avec les zones littorales puis avec l’arrière-pays.
En 1229, en octobre, le comte met le siège à Nice. La ville inférieur, peuplée de commerçants ouvre ses portes mais la ville haute et le château refusent de capituler. Au contraire Nice et sa ville haute appellent à l’aide Gênes, sur qui on fonde de grands espoirs. Mais la réponse génoise est môle puisque au mieux on verra croiser au large quelques galères, mais rien de plus.
Tant et si bien que le 9 novembre 1229, la ville haute capitule. Le comte de Provence destitue le consulat et nomme à sa place un Viguier, homme de paille à la solde du Comte.
C’est la fin du consulat de Nice, il faut alors attendre 85 ans pour voir émerger un nouveau système politique, le syndicat.
Pendant ce temps Raymond Béranger V établit divers traités pour fixer les frontières provençales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire